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Vingt Propos
tirés de l'expérience de Tung Ying Chieh


Asie, destination Tai Ji par J. et M.T. Liron / Edition You Feng / AFDT

Dong Ying Chieh

Un peu d'histoire ...



Le maître YANG LU CHANG mit au point le grand enchaînement de la forme longue dite 108 du syle Yang.


Le maître YANG CHENG FU, l'un des petits fils de YANG LU CHANG, démocratisa la pratique du TaiJi Quan, jusque là réservée à des cercles fermés.


Le maître TUNG (DONG) YING CHIEH, principal assistant de YANG CHENG FU durant plus de 30 ans, transmit part l'intermédiaire de ses descendants, jusqu'à nos jours, le style YANG de forme TUNG.


Le maître TUNG (DONG) KAI YING, l'un des petits fils de TUNG YING CHIEH, retransmet à travers le monde le Tai Chi Chuan tel que vous le pratiquez actuellement.



Généalogie de la lignée Tung ou Dong



Les conseils suivants sont ceux de TUNG YING CHIEH, tirés de sa longue expérience :



1 - Le taiji appartient à l'école interne de boxe. La force brute (li) sort des os ; la force interne (jing) s'accumule dans les tendons. On n'y recherche, ni dureté de peau, ni développement musculaire. La profondeur du souffle alliée à une ossature solide, est sa finalité. Ecartant agitation et fatigue inutiles, on cherche à suivre le cours naturel et à cultiver les capacités innées. C'est un travail (gongfu) de retour aux racines et à la source originelle (fan ben gui yuan).


2 - Dans la pratique du taiji quan, il y a trois accomplissements : accomplissement de l'esprit, de la pensée et du corps. Si la position du corps est correcte et si l'esprit et la pensée arrivent là où ils doivent arriver, la progression est rapide. Les sensations, chaque jour sont différentes et l'élève doit s'efforcer de les ressentir lui-même.


3 - Si les postures ne sont pas conformes, si l'esprit et la pensée n'arrivent pas à se diriger, même en travaillant jusqu'à la vieillesse, on n'aboutit à rien ; c'est comme si on faisait bouillir une marmite vide sur le feu. Il existe un dicton railleur : "Dix ans de taiji quan, ne valent pas trois ans de boxe de l'école externe." C'est pourquoi il faut, premièrement s'appliquer. En second, pénétrer par l'intelligence. Le niveau de l'entraînement dépend de l'intelligence, mais l'assiduité peut suppléer le manque d'intelligence ; effort et persévérance sont indispensables.


4 - Pendant l'exercice, on doit respirer naturellement (huxiziran) ; ne pas se forcer à une respiration profonde. Lorsqu'on arrive à un niveau élevé, la respiration devient naturellement régulière et homogène. Dans le cas contraire où on forcerait cette respiration, il n'y aurait qu'inconvénients et absence de bénéfice.


Tung Ying Chieh


5 - Les treize postures du taiji sont, à vrai dire, l'exercice du daoyin. Le daoyin, c'est diriger le souffle (qi) et le sang (xue). A. un niveau élevé, le souffle et le sang circulent à un rythme régulier ; prévention et guérison de toutes les maladies. Que l'élève se croyant intelligent, surtout n'ajoute rien (zi xuo cong ming) ; par exemple en appliquant la langue sur le haut du palais, ou en s'efforçant de faire descendre le souffle au dantian (bas ventre). Lorsque le niveau sera atteint, le souffle, naturellement descendra au dantian et circulera dans tous les vaisseaux. C'est l'ordre et le principe de la nature. On ne peut l'imposer par la force.


6 - Détendre les épaules et baisser les coudes ne veut pas dire, accumuler la force dans les épaules et dans le dos. Il faut que la force arrive jusqu'à l'avant-bras. Comprendre ceci, doit venir de soi-même et ne peut être transmis par la parole. L'élève doit s'efforcer de le ressentir et non de le réaliser en s'en tenant à la lettre, en bloquant les épaules et baissant lourdement les coudes, ce qui empêcherait agilité, souplesse et efficacité.


7 - Redresser le vertex et suspendre l'entrejambe. Pour redresser le vertex, il faut tenir droite la colonne vertébrale et la tête. Suspendre l'entrejambe, c'est faire monter l'énergie par le coccyx. Lorsqu'on concentre la force, la poitrine rentre légèrement et lorsqu'on projette la force, la colonne vertébrale se redresse légèrement. On ne doit surtout pas contracter la poitrine, ni courber le dos.


8 - L'exercice doit être répété au minimum trois fois. La première, fois, pour assouplir tendons et vaisseaux. La deuxième, pour corriger les postures. La troisième, pour coordonner esprit et mouvement Une fois bien entraîné, dès qu'on se lance, esprit et mouvement se confondent et on progresse très rapidement.


Tung Ying Chieh Singapour 1955


9 - La sensibilité permet d'appréhender la force, il convient donc de s'exercer assidûment aux tuishou, afin de saisir la subtilité d'adhésion - coller et suivre, ou céder - Si on n'a pas de partenaire, il faut sans se lasser, pratiquer les postures et avec les bras constamment rechercher où est la force en s'imaginant attaqué par un adversaire et en se demandant comment le maîtriser. Avec le temps, on arrive aussi à appréhender la force.


10 - Pendant l'exercice de tuishou, on doit chercher attentivement à pénétrer et ne pas s'amuser à envoyer l'adversaire dans le décor. Il faut absolument empêcher le partenaire de localiser mon centre de gravité et à tout moment, se rendre compte où se trouve le sien.


11 - Les exercices de taiji peuvent se faire dans n'importe quelle position ; en marchant, debout, assis ou couché. Le principe reste le même : toujours diriger le souffle par la pensée, afin de ressentir (acquérir la sensibilité). Par exemple, étudier la sensation dans le geste de prendre une tasse de thé, avec ou sans effort ; marcher en levant les pieds, avec ou sans effort. Se tenir debout appuyé sur un pied ou sur deux pieds. On peut faire l'expérience de tout cela.


12 - Au début de l'exercice, on ressent des courbatures dans tout le corps. C'est la transformation de la force brute. Il n'y a lieu ni de s'inquiéter, ni de se décourager. Au bout de quinze jours, lombes et jambes deviennent légers et allègres ; l'esprit et le souffle s'amplifient.


Tung Ying Chieh Bangkok 1955


13 - Lorsqu'on est bien entraîné en postures, on commence à étudier le tuishou pour s'exercer à acquérir les différentes forces. Dans l'art martial du taiji, il y a la force du mouvement collant, la force de suivre, la force de souplesse agile, la force de fermeté, la force interne, la force de traction, la force de frottement, la force de pétrissage, la force d'adhésion, la force d'appui, la force de tâtonnement, la force de pression, la force de pénétration jusqu'aux os. la force de jeter à terre, la force d'accrochage, la force de secouer, la force d'entrer en action, la force minime, la force légère, la force de faire trembler, la force de partir, la force du coup inattendu, la force de mesure, la force de réserve, la force de tirer des flèches, la force d'attente, etc... Plus haut, nous n'avons fait qu'un exposé approximatif. Pour se rendre compte des différentes forces, il faut les rechercher en s'entraînant à la perception. Les rechercher seul, est plus difficile ; les rechercher à deux, est plus facile, car l'homme est un être vivant En plus de la force d'entrer en action, il possède aussi la capacité d'intuition. Il faut la chercher dans le corps de l'homme. S'il n'y a pas de partenaire et qu'on la cherche dans l'air, c'est comme si l'on tapait dans un sac de sable ou que l'on roulait des boules en acier - c'est totalement inutile.


14 - Le traité sur le taiji dit : "L'énergie" prend racine dans les pieds. Elle chemine dans les jambes, est dirigée par la taille et se manifeste dans les doigts. C'est le principe du développement de la force Oing). Les interdictions sont celles-ci : quand on plie les jambes, le genou ne doit pas dépasser la ligne de la pointe du pied. Quand on tend le bras. la main ne doit pas dépasser la ligne du nez. Quand on lève la main, celle-ci ne doit pas dépasser la ligne des sourcils. Quand on appuie avec la main, ne pas dépasser le creux de l'estomac. Ce sont les enseignements laissés par les anciens. Si on enfreint ces interdictions, on est dépossédé de sa force. La subtilité des transformations est dirigée par la taille ; par exemple, si on pousse quelqu'un, avec la main droite, de biais vers la gauche et qu'on dépasse la pointe du nez, la force est perdue. Mais si on rentre légèrement la poitrine vers l'arrière en poussant un peu la taille vers la gauche, la force redevient suffisante. Ces changements s'effectuent par la poitrine mais sont en fait dirigés par la taille. Se manifester dans les doigts signifie que le corps restant détendu et souple, la dureté de la force (jing) se situe dans les doigts. C'est comme si à l'extrémité souple d'une baguette d'acier, il y avait un marteau de fer. Lorsque celui-ci est projeté en avant, rien ne résiste à son coup destructeur. L'élève attentif à approfondir tout ceci, pourra sous peu, appréhender la véritable force de l'école interne. Ces interdictions ne s'appliquent pas aux procédés spéciaux.


15 - L'homme, comme l'animal, possède des réflexes. Si je lui donne un coup de poing, il va l'écarter avec sa main ou l'esquiver. Il ne reste certainement pas là, immobile, à attendre de recevoir le coup. Résister, est l'instinct de l'homme. Les objets immobiles ne sont pas ainsi. Si un sac de sable est suspendu, il reste suspendu sans bouger. On lui donne un coup de poing, il se balance d'avant en arrière. Mais ces balancements ont une trajectoire fixe. Si on le frappe du côté gauche, il va aller à droite ; là est la réaction des objets. Pour l'homme, ce n'est pas ainsi. Si on le frappe du poing, il peut résister ou reculer ; c'est imprévisible ; ce sont des réactions d'homme. Dans les arts martiaux, il y a trois mots clefs : stable, précis, féroce. Tant que j'attends, je ne lance pas la force. Mais dès que je la lance, elle est irrésistible. Mais comment faire pour arriver à stable, précis, féroce ? Il faut d'abord acquérir l'intuition. Comment l'acquérir ? Le lecteur doit chercher dans le chapitre précédent (Au sujet de la pratique de l'entraînement - Texte de maître Wang Zongyue). A savoir si l'adversaire ne bouge pas, je reste immobile. Dès qu'il commence à bouger, je bouge avant lui. Il faut dans l'instant où il semble qu'il va bouger mais n'a pas encore bougé, ou que sa pensée n'a pas encore surgi et son corps, pas encore bougé, que je prenne les devants et lui porte un coup irrésistible.


16 - Certains disent qu'après s'être entraîné en taiji, il ne faut pas soulever d'haltères ; pas employer la force brute. Ce n'est pas tout à fait exact. Avant d'apprendre le taiji on était plein de force brute ; le corps entier était tendu, contracté. Après avoir appris le taiji, tout le corps est détendu, les tendons allégés ; le souffle circule sans entrave. Il ne faut pas s'exercer à supprimer la force brute du corps entier mais il faut la conserver. Par la détente générale, elle devient une vraie force (zhen /jing). Autrefois, on appelait la force brute, luli (lü : épine dorsale), (li : force), car cette force se situe entre les épaules et l'épine dorsale. Elle ne peut pas être dirigée par la taille, ni se manifester au niveau des doigts.


Tung Ying Chieh Bangkok 1955


17 - Le Canon dit : "Un yin, un yang , c'est le dao" (La Voie). Le taiji est le ying et le yang. A notre "époque atomique", qu'est-ce qui n'est pas le ying ou le yang ? C'est pourquoi dans " Au sujet de la pratique de l'entraînement ", il est dit : "Si l'on plonge d'un côté, on perd l'initiative. Si on appuie des deux pieds, on est bloqué. Car plonger d'un côté et appuyer sur les deux pieds, c'est le déséquilibre du yin et du yang. Aussi le pratiquant doit-il faire attention, lorsqu'il lève la main ou avance le pied ; un yin, yang ; un vide, un plein. Laozi dit : "Les réserves permettent l'efficacité". Pensez à cela et essayez de l'appliquer.


18 - En ce qui concerne l'explication du taiji civil et militaire, civil, c'est prendre soin de sa santé ; militaire, c'est se défendre.


19 - Les articles ci-dessus proviennent tous de l'expérience. Plus que dans la théorie, il faut surtout chercher tout cela dans les treize postures. Lorsque l'entraînement a atteint là-maturité, on saisit naturellement la subtilité de l'unité de l'esprit et dû geste. Quand on s'entraîne, le mieux c'est de ne pas trop rechercher la théorie et faire davantage d'exercices. Nous disions que les anciens étaient forts en art martial et les modernes, forts en théorie. En fait, dès que l'on fait trop de théorie, on ne s'applique pas à l'entraînement et le progrès ralentit Les adeptes des arts martiaux accordent une grande importance à la loyauté. L'élève doit respecter son maître et être dévoué à son Art. Si on remercie de façon généreuse le maître pour son enseignement, le maître sera touché et instruira avec tout son cœur. (Les coutumes chinoises sont ainsi, on ne peut pas les ignorer). Ceux qui aimeraient apprendre le véritable art martial, doivent y faire d'autant plus attention.


20 - Mencius dit : "Celui qui cultive parfaitement son intelligence, connaît sa nature. Celui qui connaît sa nature, connaît le ciel." La flamme du feu monte vers le haut. c'est sa nature. L'eau féconde coule vers le bas, c'est sa nature. Ceci est la nature des choses. Fleurir au printemps, dépérir en automne, c'est la nature du ciel. Détester la peine, aimer le plaisir, craindre la mort, tenir à sa vie, c'est la nature de l'homme. Cependant le feu peut rencontrer le vent qui le souffle vers le bas ; l'eau peut rencontrer le feu qui la fait s'évaporer vers le haut. Le pin et le cèdre ne perdent pas leur feuillage en automne. L'homme qui connaît le "rite", accomplit courageusement ce qu'il voit être son devoir. C'est changer la nature acquise pour retrouver la nature innée. Avant la pratique de l'art martial, les vaisseaux sont bloqués ; les tendons se rétractent et se raccourcissent ; c'est pourquoi la force se fixe aux épaules et au dos. Après l'entraînement, les vaisseaux communiquent librement ; les tendons s'allongent et la force se déploie. Des épaules et du dos, elle passe par le bras, le poignet et se manifeste aux doigts. Progressivement, on abandonne ainsi la nature acquise et on retrouve la nature innée. Si l'on acquiert la capacité de la nature innée, c'est la merveille prodigieuse. L'apprenti qui obtient cette force, saura que mes paroles ne sont pas fausses.


Tung Ying Chieh


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