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DYNAMIQUE INTERNE du TaiJi Quan
par Lionel Seité




Partir de la Philosophie :


La Philosophie est partie intégrante de la pratique du TaiJi Quan & Qi Gong.

La partie énergétique de la philosophie taoïste, pratique spirituelle la plus ancienne de la Chine, observe que nous faisons partie de la nature, que nous sommes nés de l'énergie de la terre et du ciel. D'où les appellations des parties " Terre " et " Ciel " du grand enchaînement. Entre les deux, la partie " Homme " soulignant l'homme dans son aspect de véhicule de ces énergies, pilier vertical entre les énergies du haut et celles du bas, pivot créateur d'un acte associant ces deux mêmes énergies, la matière dans la laquelle il puise ses outils, et l'esprit qui l'anime. L'homme lui-même conservant en lui la conscience d'un fil fragile qui permet la reliance de son " cœur-esprit ".

Pour quelques raisons, et au regard de ce qui vient d'être évoqué, il pourrait sembler que nous avons oublié quelle est notre place dans la nature, et ainsi nous aurions besoin d'apprendre à revenir à notre héritage légitime d'enfants de la nature, pour vivre dans l'harmonie avec les modèles et l'énergie de la nature. Réapprendre à vivre l'instant présent, vivre la vie comme un processus, comme une danse, le voyage et le but n'étant qu'un dans cette conception.

Grâce à une pratique quotidienne du TaiJi Quan & Qi Gong nous pouvons redevenir comme des enfants, sans raideur ni tension. Nous pouvons réapprendre à nous mouvoir librement et naturellement, avec le corps entier connecté, tant structurellement qu'énergétiquement. De la sorte, nous voyons notre connexion au macrocosme, nous prenons conscience que nous faisons partie de l'univers, nous redevenons pleinement nous-mêmes.





Structure Interne & Conduite du Mouvement :


La notion de structure interne souligne ce qui permet au corps de se mouvoir comme un ensemble, une totalité. Comme l'univers, le corps est un tout intégré, dont chaque partie est liée aux autres, et en dépend.

Quand nous arrivons à l'âge adulte, menant une vie sédentaire, nous oublions souvent de faire usage de toutes les parties de notre corps. Nous nous servons de la tête et des bras, n'utilisant la colonne vertébrale, les hanches, et les jambes, que pour aller de la voiture à l'ascenseur, puis au siège pivotant, ou nous pouvons à nouveau nous servir de notre tête et de nos bras.

En restreignant nos mouvements, nous oublions la façon de nous mouvoir avec force, souplesse, et efficacité. Quand nous oublions la façon de vivre pleinement dans nos corps, nous restreignons notre mouvement général.

Dans notre pratique TaiJi Quan & Qi Gong nous associons toutes les parties du corps qui, sous l'impulsion d'un centre physique et énergétique initiateur, réalisent un seul et même mouvement. C'est la reconnaissance de notre corps global, et non plus du corps fractionné, du potentiel du tout intégral bien plus pertinent et efficace que l'addition des potentiels de chacune des parties.

C'est en cela également que TaiJi Quan & Qi Gong est surnommé gymnastique holistique, bien qu'étant largement plus qu'une simple gymnastique par son apport philosophique et spirituel à l'instar de son cousin indien le Yoga. On appelle aussi le TaiJi Quan & Qi Gong le Yoga chinois.





Mise en place du Travail Interne :


Il convient, certes, de répéter des années durant les postures de bases et les fondamentaux techniques qui les sous-tendent, sans pour autant s'arrêter à la satisfaction immédiate de pouvoir exécuter une " forme esthétique " ou " une prise martiale", ou de jouir plus ou moins consciemment de la finalité qu'est la déviation puis le retour, ou d'une prétendue maîtrise... Ce serait se fixer sur l'EXTERNE.

Quel que soit le style de Tai Ji (Yang, Chen, Hao, Wu), si la première démarche du pratiquant est de bien mémoriser la trajectoire des mouvements " extérieurs " _ c'est le côté esthétique de notre art_ la suite consiste à apprendre à utiliser l'énergie pour chaque posture.

Il faut avant tout prendre conscience de son propre comportement, et par le truchement de procédés de stimulation et de recharge énergétique _étirement et massages accupunctant, exercices de tension et de relaxation, de rotations et de girations, d'expansion et de densification du Centre_ associer parfaitement les phases de la respiration à celles de l'action mentale et physique, puis aborder la conduite du Souffle. La synthèse de ces pratiques devient un véritable jeu de conduite d'énergies. Ces pratiques axent le pratiquant-étudiant sur l'INTERNE.

Travailler avec l'énergie, le " travail intérieur ou interne ", est ce qui fait du TaiJi quelque chose d'unique, et ce qui le distingue des formes extérieures d'arts martiaux : les arts internes sont fondés sur l'harmonisation, le développement, la conduite et la libération de l'énergie interne, appelée Chi ou Qi (pin yin 1956). Nous évitons ainsi l'étroit canal, celui de la seule répétition incessante des techniques d'où découlent des attitudes plus ou moins justes parce que faussées par des efforts musculaires de compensation dont il est extrêmement difficile de se défaire.

Tout débutant qui veut bien méditer sur cette démarche peut acquérir en quelques années par la rectitude de son buste et la mise en vibration de son centre, par sa musculature détendue qui lui permet d'agir telle une sphère rebondissante, une attitude globale qui lui confère la disponibilité, et donc la possibilité d'étudier les détails inhérents aux différents mouvements.

Ainsi pour favoriser la mise en place du travail interne, et faciliter la circulation du Chi, il convient d'effectuer des exercices qui permettent :

- de détendre et d'allonger les muscles, de les masser,
- d'assouplir les chaînes musculaires et articulaires.
- de se redresser et de respirer, calmement et consciemment,
- de prendre conscience de la nuque et du dos,
- d'adopter une assise et une rectitude corporelle parfaite,
- de se relaxer en permanence le mieux possible,
- de se concentrer et se maintenir axé sur le centre.





Méditation de l'Energie et Mouvements-univers :


La conduite des souffles ne peut se réaliser qu'une fois les préalables ci-dessus harmonisés. Dans le même temps, l'esprit du pratiquant s'éloignera du concept " posture, prise ou technique " et le fera cheminer vers celui de " mouvement ", puis vers celui de " mouvements-univers ".

Le fondement de la maîtrise de la structure interne du Tai Ji est la méditation de l'énergie, dont l'exercice de l'" Arbre " se révèle en être la première exploration incontournable, dont on retirera tous les bénéfices dans les formes (série de mouvements) pour peu que cette dernière expérience serve d'assise !

Différentes sensations se manifesteront lors de la pratique des respirations, des exercices et des formes. La pleine conscience de ces sensations aidera à appréhender la notion du développement de l'énergie vitale, le Qi, énergie concrète

N'hésitez donc pas à vous "éveiller" aux impressions qui se présentent à vous. Faites même plus : identifiez-vous à ces sensations, ne les vivez surtout pas intellectuellement, " sentez-les " physiquement et consciemment. Vous approcherez alors de la vraie sérénité et de la maîtrise de vos énergies; cet état dépend de la mise en retrait du mental, cet "outil" qui se prend pour le maître


Quelles sont ces sensations qui vous permettront de contrôler vos progrès ?

- La sensation d'un flot de chaleur s'écoulant à travers le corps et se concentrant plus spécialement dans les mains, les jambes, le dos et le ventre.

- La manifestation de picotements à la surface. Ils suivent la circulation de l'énergie et apparaissant lorsque les muscles sont détendus. Ce travail de relâchement est prépondérant, ce qui ne signifie pas devenir mou !

- La sensation d'une meilleure rectitude verticale ; et de l'acquisition de trajectoires plus rondes et spiralées dans les gestes du quotidien.

- L'acquisition d'une impression de calme et d'aisance qui se manifeste tant lors des exercices que durant les occupations quotidiennes.

- L'augmentation du flux salivaire, appelé liqueur de vie par les acupuncteurs traditionnels, apparaît lorsque les organes se renforcent. Cette salive ne doit surtout pas être crachée, on doit simplement l'avaler.





Le Centre :


Bio-mécaniquement le CENTRE est un lieu de rencontre, d'échange et de diffusion des forces, le point de convergence de tous les composants psycho-physiologiques, le lieu de coordination de nos facultés vitales. D'où l'intérêt d'attacher de l'importance à la prise de conscience de ce Centre.

Ce centre va se confondre avec ce que les Chinois appellent le " Tantien (bas) " quartier général du Chi, et point de départ de sa circulation au travers du corps, vers les organes et vers les extrémités. Il peut être comparé à l'image d'un chaudron de stockage (condensation) et de baratage de la " vapeur " CHI issue et produite de la rencontre du CHI eau KAN , celui des reins, et du CHI feu LI, celui du cœur.

Sa localisation " ventrale " apparente est celle du point "Océan du Souffle", "Qihaï", qui se situe à environ deux pouces au-dessous du nombril. Mais le choix de ce point ne se réfère qu'à " l'homme avant " et à sa signification, oubliant " l'homme arrière ". Il se situe donc à 3 cm au-dessous du nombril et à un tiers de la distance entre le ventre et le dos.

Il est plus exact de définir le CENTRE comme le POINT de CONVERGENCE de 3 AXES :

- " L'axe Shao Yin " (Cœur-Reins) : (ou axe Eau-Feu qui confère la structure verticale à l'homme),

- " L'axe Mingmen-Shenjue " (Mingmen, situé entre les 2ème et 3ème vertèbres lombaires, est la " Porte du Destin " où commence le processus vital embryonnaire, tandis que " Shen-jue", " Palais du Mental " se situe au centre de l'ombilic.)

- " L'axe Xuanshu-Qihaï " (Xuanshu, situé entre les 1ère et 2ème vertèbres lombaires est le " Pivot " et selon la tradition, la verticalité humaine s'érige à partir de L 1.)




La découverte de ce " LIEU de CONVERGENCE et d'EQUILIBRE des ENERGIES du CIEL et de la TERRE " a pour conséquence une juste répartition du poids sur les pieds ancrés au Sol. Des empreintes plantaires harmonieuses prouvent l'adaptation de l'homme soumis aux influences " descendantes " et " ascendantes ".

La région de ce "CENTRE " où se crée l'alchimie de l'énergie, est à la croisée des chemins entre deux triangles de muscles souples dont les pointes se confondent : c'est sur cette région qu'il faut porter son attention. L'intention part du cœur-esprit, le souffle se met en branle dans le Tantien et le mouvement débute du centre, rencontre des axes du corps, et des énergies.

Le bassin sous la conduite du centre impulse la direction du mouvement tantôt par léger enroulement du sacrum dans le sens de la ligne de l'action, tantôt par une rotation de l'assise autour de l'axe vertical, c'est la notion de pivot créateur. On porte une attention particulière au mouvement de la TAILLE et du DOS. L'énergie est dirigée jusqu'aux quatre "extrémités du corps" (pointes des deux mains et des deux pieds). C'est l'exemple de l'énergie de la mer, nécessaire pour pousser la dernière vague sur le sable.

Afin que le souffle CHI soit " nourrit " dans cette région située en arrière du nombril , la conscience et la respiration abdominale inversée devront y être " descendues "; les épaules devront être relâchées et les coudes abaissés pour faciliter cette même respiration.

Un travail subtil à l'intérieur du bassin qui tend à rapprocher le sacrum du pubis permet de libérer la coxo fémorale et le plancher pelvien pour laisser passer la fluidité de l'énergie, et ne pas rester dans une interaction fixée, verrouillée, et fermée. L'allongement des lombaires par un renforcement des muscles transverses ou par des directions données (sacrum vers le sol, légère rétroversion) a pour conséquence de favoriser la mobilité entre les ailes iliaques et le sacrum. Les allongement des lombaires et du carré des lombes verticalisent le sacrum et permettent une meilleure circulation, dans le bassin, des forces ascendantes et descendantes, une coordination fine des groupes musculaires du complexe thoraco-lombopelvien, la répartition des forces et la transmission du mouvement dans tout le corps.





Le Jing :


La détente du corps et le calme du mental, associés à ce travail du souffle effectué lors de l'enchaînement, vont permettre le développement d'une force intérieure et illimitée appelée JING, que les maîtres de Taiji quan opposent à la force musculaire considérée comme bien inférieure et limitée.

Le terme Jing était employé dans les textes anciens bien qu'assez rarement avec le sens de force. A l'heure actuelle, il désigne dans le langage courant le ressort d'un individu, sa vitalité, son dynamisme, en mettant l'accent sur l'intériorité de cette force (force intérieure / art interne), qui précède la forme musculaire et lui préside, et qui est liée à l'attitude psychologique d'un individu. C'est aussi le sens qu'à ce terme dans le Taiji quan.





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