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Wu-Wei, le principe de non-agir
Par Roland Habersetzer


Tai Ji Quan / Amphora



Trois principes convergent dans ce sens : celui du wu-wei (" le non-agir " : ne jamais forcer en rien pour ne pas contrecarrer par des gestes intempestifs le rythme naturel des choses; ne pas faire, mais laisser SE faire), celui du wang o (faire le vide en soi, s'oublier soi-même, afin d'être réceptif), celui du tzu jan (l'efficacité du spontané, de l'immédiateté).


Wu-wei réfère à la non-action, à la non-ingérence, au lâcher-prise (le wei est une action qui contrecarre le rythme des choses). Ce n'est ni l'indifférence ni le laisser-aller, c'est la recherche du naturel, de l'ouverture d'esprit, du détachement des choses et, plus loin, de la tolérance, de la souplesse, de l'abnégation du " moi " en tant que créateur d'illusions, donc ennemi du vrai. Wu-wei vise à l'état sans désir, à la quiétude, à la sérénité, facteur de réalisation.


Lao Tseu sur son buffle traversant la montagne



Un esprit agité déforme la réalité et perd tout contrôle sur le corps ; la pensée doit rester claire, non agitée par des passions perturbatrices; elle devient alors parfaitement réceptive aux faits les plus inattendus, et le corps suit. L'action qui découle alors d'une telle attitude est si franche et si naturelle qu'elle dépasse la portée de l'action ordinaire, " vulgaire ", toujours précédée d'hésitations. Une telle action est vraiment efficace parce que en conformité avec le Dao. Seule la spontanéité crée le mouvement parfait, car il s'inscrit alors, en dehors de soi, dans l'harmonie du grand mouvement céleste.


Wu-wei est donc une passivité créatrice. De la non-action surgissent toutes les potentialités d'action ; ne rien faire, c'est par là même tout faire. L'esprit du wu-wei est partout en Chine. Kuo Ksiang dit : " Par wu-wei, il ne faut pas entendre ne rien faire, il faut entendre qu'on laisse chaque chose se faire spontanément, de sorte à être en accord avec les lois naturelles " et Lin Yu-tang : " c'est l'art de maîtriser les circonstances sans leur opposer de résistance ; le principe d'esquiver une force qui vient sur vous en sorte qu'elle ne puisse vous atteindre. Ainsi, celui qui connaît les lois de la vie, jamais ne s'oppose aux événements ; il en change le cours par son acceptation, son intégration, jamais par le refus. Il accepte toutes choses jusqu'à ce que, les ayant assimilées toutes, il parvienne à leur maîtrise parfaite. "


Immortel patriarche de la sagesse se rapprochant du Ciel à dos de carpe



Non-résistance, non-violence; laisser couler autour de soi la violence dont on peut devenir l'objet; répondre en faisant le vide, comme l'eau qui cède au couteau, mais demeure invulnérable. Réaliser l'art du Tai ji quan, ce qui va bien au-delà de sa seule perfection physique, c'est être imprégné de cette vision chinoise de l'univers. Il ne nous a pas paru inutile d'en évoquer les grands principes, car il est impossible d'évoquer le Tai ji quan sans faire état de ce fond culturel indissociable, mais aussi dans l'espoir de susciter une curiosité qui pourrait devenir le point de départ d'un fantastique vécu personnel. Car :



" Quand un homme est dans son jeune âge,
II ne comprend habituellement par le Dao.
Et même s'il en entend parler ou le connaît par les livres,
Il conserve des réticences et ne le pratique pas.
Lorsque vient la vieillesse vulnérable,
II voit alors l'importance du Dao Mais il est souvent trop tard
Car la maladie l'empêche d'en éprouver les bienfaits. "

(Soen Sse-mo / "Recettes inestimables")



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