Aller en bas de page Sommaire Accueil


La tranquilité, arme secrète du Tai Chi.
Par Bob Mendel


Magazine "Black Belt" / juin 1976
Photos de Zaroubia






La tranquilité, arme secrète du Tai Chi. La raison ? On cherchait l'état appelé "mushin no shin, pas d'attitude mentale afin d'agir spontanément face à l'attaque. Les étapes avancées du Kung Fu et les enseignements du Karaté s'occupent aussi de perception et de tranquillité. Ce qui rend le Tai Chi Chùan unique, c'est qu'en dépit de la réputation qu'il a de développer lentement l'étudiant, il est une voie directe et simple vers le calme et son utilisation à maîtriser le mouvement. Il est appelé méditation en mouvement parce qu'il commence par accentuer la tranquillité dans le mouvement. Et il fait de même face à l'attaque. Les classiques du Tai Chi Chùan disent "s'il ne bouge pas, je ne bouge pas. A son moindre émoi j'ai déjà anticipé et bougé le premier."



Comment le Tai Chi Chùan permet-il cela, demandons-nous à Master Tung Kai Yin ? "Quand vous êtes relaxés, vous êtes plus rapides, répond-il, et vous pouvez savoir plus facilement ce que va faire votre adversaire. Il est aussi important d'être relaxés, parce que vous vous sentez mieux". "Bien des mouvements dans le Tai Chi Chùan aident l'étudiant détendu. Les poussées aident à assouplir les poignets. Quand vous pratiquez le Tai Chi Chùan, vous devez être relaxé, et non pas mou. C'est relaxé avec l'énergie. C'est la souplesse au dehors mais l'énergie ou la robustesse au dedans. Comme une barre de fer enveloppée dans du coton". Master Tung souligne une vue traditionnelle du Tai Chi Chùan, par des phrases concises mais claires, usant parfois d'une idée ou d'une image familière des écrits traditionnels sur cet Art. Pour cultiver l'énergie détendue lorsqu'on rencontre un adversaire, le Tai Chi Chùan comporte un exercice appelé Tui Shou, ou pushing hands.Dans la pratique du Tui Shou, les étudiants se placent deux par deux, en rangs et en ligne, et tracent un cercle avec leurs mains en sentant l'équilibre, l'énergie et le mouvement du partenaire.




Au premier abord, ça ne ressemble pas du tout à un entraînement pratique pour la self-défense. "Certains ne connaissent pas la valeur des Tui Shou, admet Tung, et ils pensent que s'ils combattent quelqu'un d'une autre école, ou en self-défense, l'opposant n'utilisera pas les formes du Push Hands. Mais cela n'est pas l'important. Tant que l'adversaire ne trouve pas de contact avec vous, il n'y a pas de réel danger. S'il y a contact, alors c'est comme dans le Push Hands. Tung voit de nombreux étudiants qui essaient de progresser dans cette partie de l'Enseignement du Tai Chi Çhùan. "La façon correcte de pratiquer est de ne pas essayer et de ne pas pousser trop tôt, même si bien des gens le font. Il vaut mieux passer d'abord six mois a faire des cercles et obtenir un réel calme. Tung voit aussi d'autres problèmes dans un "push hands" précoce. "Cela raidit l'étudiant, au lieu, dit-il, au lieu de le relaxer et de le délier. Quand vous combattez, vous vous éloignez des formes, et combattez, c'est tout. Et alors, vous n'utilisez pas les formes et n'apprenez pas les principes qui sont derrière les mouvements. Il vaut mieux attendre un peu plus et comprendre plus profondément le Tai Chi et les formes. Master Tung suggère plus de patience, selon une règle que le Tai Chi Chùan appelle souvent "investir à perte". "Dans le push hands, la plupart des gens veulent gagner, dit Tung. Mais dans la pratique, il ne faut pas s'occuper de cela. Vous apprenez plus si l'on vous pousse. Et si vous ne considérez pas les choses de cette façon, il vous sera ensuite difficile d'être bon en Tai Chi Chùan". Mais la pratique du Tui Shou demande une base solide dans la posture. Tung dit simplement : "Vous ne pouvez le pratiquer si vous n'êtes pas bien en équilibre sur vos pieds lorsque vous bougez."



L'équilibre, voilà le but du Tai Chi Chùan, et l'approche qui en fait un art unique est l'alternance du yin et du yang, de l'épais et du subtil. Le calme déplacement de la pesanteur est enseigné graduellement par la lente et méticuleuse répétition des 108 mouvements de l'enchaînement du système yang. Les postures variées fortifient les jambes, construisent l'équilibre et font circuler le Chi à travers le corps. Selon la tradition, l'énergie prend ses racines dans les peids, se développe dans les jambes, est dirigée par la taille, et atteint les doigts. Les formes individuelles du Lent sont une base du Tui Shou, d'une certaine façon. Les mouvements originaux du Tai Chi Chùan étaient au nombre de 13, correspondant aux 8 directions et aux 8 trigrammes du Yi King, plus les 5 éléments. Ces postures fondamentales sont tissées dans les modèles continus de pushing hands. Et, de même que dans le lent, pendant le mouvement, il faut toujours éviter la double pesanteur. 'Vous pouvez bouger plus vite, dit Master Tung, avec le poids sur une jambe, plutôt que sur les deux. Tous les mouvements du Tai Chi Chùan sont en partie pleins, en partie vides. Cette alternance du solide et du vide, du souple et du dur, fait partie de la tradition taoïste qui a donné le jour à cet Art.




On connaît bien l'histoire du sage Chang San Feng, observant le combat d'un serpent et d'un oiseau ; le mouvement insaisissable du serpent illustre bien le principe taoïste (de soumission à la force). Le Tai Chi Chùan tire tout son intérêt de l'abandon. Céder et absorber le mouvement de l'attaque, accepter et détourner mille livres avec une pichenette de la force de quatre onces. Céder, contrer, et alors frapper sec en retour. Mais quelle sorte de force utilise-t-on pour ce retournement ? Le Tai Chi n'utilise-t-il que quatre onces de force ? "L'idée de quatre onces ne se rapporte qu'au fait de détourner les attaques, dit Tung, de se débarrasser de l'assaillant. Autrement, l'on utilise autant de force que possible". Le Tai Chi Chùan cultive plus d'une sorte de force, affirme Tung, ajoutant qu'il y a une longue puissance là où le mouvement va vers l'extérieur longuement. Il y a une courte puissance, comme un éclatement. Il y a une puissance saisissante, une puissance soulevante... toutes basées sur le Chi". "Ce qui est intéressant, continue Tung, c'est que vous vous connaîtrez vous même et vous connaîtrez votre force. Vous pourrez connaître les autres, et quelle est leur force. Mais s'ils ne vous connaissent pas, c'est préférable". Bien que la puissance du Tai Chi Chùan soit basée sur le Chi et souligne sa circulation par la relaxation et la posture correcte, Tung ne croit pas aux exercices de développement du Chi. "Inutile de s'occuper de cela, dit-il, car le Chi est là. Le Tai Chi s'occupe de ce que vous en faites".



Master Tung note que, au fur et à mesure que l'étudiant s'entraîne, il trouve la liberté dans les formes. Il dit '. "au début, vous vous occupez de penser à effectuer la forme,... si c'est correct. Puis vous n'avez plus à vous occuper de cela, ce n'est plus que le Chi. Alors, vous pouvez l'exprimer au dehors, au-delà du mouvement'. "D'une certaine façon, c'est comme dans l'entraînement aux armes, continue-t-il, car les armes sont essentiellement un prolongement de la main. Nous enseignons le sabre, l'épée et la lance... chaque arme étant d'une taille différente, et demandant une attention différente. Si vous regardez la longueur d'une épée, c'est à peu près comme si vous exprimiez votre Chi sans elle. Mais, dans l'utilisation des. armes vous ne focalisez votre attention que sur la pointe de l'arme. Avec les mouvements à main nue, vous pouvez étendre le Chi au delà de la main. L'insistance sur l'utilisation du Chi fait aussi partie des enseignements du Kung Fu, mais il est rarement conduit au coeur de l'instruction comme il l'est dans les systèmes internes. C'est ce qui fait du Tai Chi Chùan la source des Arts Martiaux. La tonification interne des organes pour équilibrer l'énergie et développer !a santé et la vitalité faisaient partie intrinsèque de la tradition du Yoga taoïste, et Chang San Feng, le fondateur, était connu pour sa connaissance de cette tradition.




On dit que cet Art fut gardé par les élèves de Chang San Feng, puis par la famille Chen à Honan qui préserva le secret de ces techniques pendant des générations. Il advint qu'un homme du nom de Yang Lu Chan entendit parler de cet Art et se débrouilla pour faire partie de la maison Chen afin de l'apprendre. II fut découvert, mais ses dons étalent si grands que la famille Chen le lui enseigna de bon gré. Yang Lu Chan se rendit à Pékin où on l'appela Yang l'Insurpassable pour son talent au combat, et il enseigna le Tai Chi Chùan. Ses deux fils, à leur tour, continuèrent cet enseignement, maintenant connu sous le nom de style Yang. Parmi les élèves du petit fils de Yang, Yang Chen Fu, il y avait Tung Ying Chieh, qui devint célèbre pour ses écrits sur le Tai Chi Chùan et pour la création d'un enchaînement rapide qui complète le style Yang. C'était le grand père de Kai Yin Tung, et le Fast Set (ou Kwai Chùan), fait partie de la tradition familiale de Tung.



L'Enchaînement Rapide de la famille Tung donnée à l'étudiant une chance de découvrir quelque chose des applications des formes lentes en self-défense, et développe la sensibilité à l'émission de l'énergie. Il est basé sur l'enchaînement lent de style Yang, mais effectué avec vivacité, avec plus de force et de manière plus "serrée", plus compacte. Tung aime le voir pratiqué avec ardeur ... Bouger, respirer, transpirer, mais toujours équilibrer, centrer, maîtriser, parce que c'est en plein mouvement que le Tai Chi Chùan cherche le calme. Pour être capable d'user du calme comme d'un jouet, que ce soit en affrontant un adversaire ou dans la vie quotidienne, nous devons nous familiariser avec lui. Aussi, dit Master Tung, le Tai Chi Chùan est, en vérité, un exercice de l'esprit. Master Tung souligne la concentration, l'attention aux formes, que ce soit dans le Lent ou dans le Rapide, qu'il s'agisse d'un débutant ou d'un pratiquant avancé. L'attention aux détails dans l'exécution est encouragée dans les limites des possibilités de l'élève.




L'approche traditionnelle du Tai Chi Chùan, qui est celle de Tung, est une approche du calme intérieur au coeur de la philosophie et de l'expérience asiatique. Approche qui semble à la fois raisonnable et pragmatique, autant que bien des styles modernes ; mais contrairement à certains d'entre eux, il démontre le sens de l'équilibre et de la plénitude.



retour en haut de page Sommaire Accueil