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Vacuité et Lâcher Prise / Le Chi dans les autres cultures
par Jean Noêl Ortega


extrait de " L'esprit et le geste dans les arts martiaux " / Albin Michel


" La tradition dit que l'essence " primordiale " ne peut être perçue que dans le silence, ce que le zen appelle "vide" et les Chinois "vacuité". Le véritable centre se trouve en fait dans ce " vide ", ce qui s'explique quand la perception intuitive laisse le corps s'exprimer librement, cessant tout raisonnement dans l'action (différent d'être végétatif !). Le vide résulte de la possibilité que nous avons d'entrer dans le silence et d'être aussi au centre de toutes les manifestations.

Une grande partie de nos exercices consiste à débarrasser les mouvements des éléments inutiles pour la vie, des habitudes, des réactions, des tensions... Nous chercherons à "re-sensibiliser" notre corps en travaillant plus sur nos mouvements involontaires que sur nos mouvements volontaires. Il ne s'agit ni de gymnastique, ni de relaxation, ni de défoulement... La coordination profonde est le critère d'unité qui guide nos mouvements. Nous n'avons pas besoin de faire " compliqué " dans les apparences pour vivre cette pratique. Par exemple, le simple fait de s'étirer est un mouvement naturel du corps qui cherche à rétablir son équilibre, bâiller également.

L'action ne doit pas être séparée de la compréhension. Nous devons arriver à réduire l'écart entre la pensée et l'action, à faciliter le passage de la concentration à la détente, à acquérir souplesse physique et puissance... Mais tout cela doit venir sans effort, se révéler dans notre " senti " car, justement, c'est dans le non-faire (différent de ne rien faire !), le non-vouloir, que l'on pourra découvrir un mouvement naturel, et donc être soi-même. Nous chercherons à faire le vide, à nous abandonner pour retrouver des gestes simples, spontanés, épurés, libres de toute tension, sans fatigue.

Dans la pratique, le corps devient souple, ce qui entraîne une détente nerveuse et rend le mental moins dispersé, plus attentif et plus lucide. La pensée ne peut être dissociée du mouvement et le passage constant d'une attitude à une autre sans aucune interruption impose au mental d'être, en permanence, présent au déroulement des mouvements. Il s'agit d'une prise de conscience de chaque mouvement du corps "ici et maintenant"; c'est une lutte constante de chaque instant où nous ne pouvons imposer à notre mental une volonté rigide, mais où l'observation vigilante permet de maintenir, peu à peu, une attention soutenue. La technique du lâcher-prise n'est plus seulement physique et l'exercice de notre pensée, ainsi appliqué, fait de nos gestes une méditation en perpétuel mouvement.

Le chi, élan vital, est notre énergie spirituelle qui réduit notre temps de perception, le temps entre la perception et l'action, et le temps de l'action. Il est source d'efficacité et de spontanéité. Le travail sur l'énergie que l'on exerce par la respiration abdominale stimule et accroît notre puissance de vie. L'attention portée sur le chi dans le centre tantien provoque un retrait en soi, une intériorisation qui influence l'esprit aussi bien que le corps. L'esprit, moins distrait par les manifestations extérieures, découvre le corps, en prend conscience; le corps découvre les sensations, expérimente lui-même la réalité (spontanéité et instantanéité), et ainsi notre comportement s'harmonise. Le souffle régénère notre organisme et nous relie à notre corps et à notre environnement, au rythme de la respiration cosmique. Dans l'esprit des Chinois, le chi vient du ciel, le corps vient de la terre. De même, plus l'équilibre entre le sang et le souffle en l'homme, entre la terre et le ciel dans l'Univers est harmonieux, et plus la puissance vitale est grande.

La notion de Chi n'est pas l'apanage des Chinois ; une cinquantaine de cultures qui abordent la notion de Chi d'une manière où d'une autre est recensée de part le monde.

En japonais le terme Ki, étend la notion de Chi et lui ajoute le concept chinois de Yi ou intention, indiquant ainsi que notre esprit ou notre volonté, a une influence extrêmement importante et gouverne les mouvements du Chi. ce qui est fondamental lors des méditations et dans les arts martiaux.

En Sanskrit, le terme est Prana. Au Tibet c'est Lung. Chez les Sioux Lakota Neyatoneyah. Les aborigènes du Kalahari parlent de Num, ce qui signifie énergie bouillonnante. En hébreux le terme est Ruach, pour l'Islam c'est la Baraka. Bien que de nombreuses cultures soient conscientes de l'existence du Chi, ce sont les Chinois qui ont le plus peaufiné ce concept. Ils l'ont intégré à leur culture à un niveau sans précédent. Le Chi est l'un des pivots de la médecine chinoise, des arts martiaux, méditations, sciences, de la peinture, de la calligraphie, de l'architecture extérieure et intérieure, et de la poésie. "

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