Aller en bas de page Sommaire Accueil



Vers le Silence
par J.D. CAUHEPE et A. KUANG


Les arts martiaux intériorisés / Trédaniel



A la lecture de tous ces écrits, que cherchons-nous ? En vérité, une transmutation. Voir éclore le papillon après la maturation de la chenille :


" L'esprit de l'épanouissement sur toi s'est rué. Peux-tu rester bourgeon encore ? " TAGORE


Paradoxalement, cette recherche de la vie est un affrontement de la mort. Elle impose une mort aux apparences, à un certain monde des choses, des êtres et de soi-même fondé sur le tien et le mien. Aussi, comme nous le savons, l'épée symbolise-t-elle cette quête. Elle est l'arme tranchante qui fend l'ego, libère des liens que sont les objets, les sens et les pensées. Elle est le fil créateur du non-attachement et du renoncement. Ces mots peuvent demeurer des concepts vides de réalité si l'on ne précise pas que cela concerne l'apprentissage de la mort dans l'instant. Mourir dans chaque geste, dans chaque frémissement, pour rendre à cet instant sa dimension d'éternité. Sacraliser le présent, afin que chaque inspir-expir reflète l'harmonie de l'univers et participe à sa création et à sa dissolution. Un moment de perfection a surgi, tout est accompli dans la gratuité et la sérénité :


" Là où le cercle des multiples joies danse autour du Créateur, là sont les jeux de l'éternelle félicité. Quand nous les connaîtrons, alors le cycle de toutes nos acceptations et de tous nos renoncements sera achevé. " KABIR


Pénétrer cette mystérieuse vision est éprouver le simultané état de repos et de changement. Dans le repos, l'on goûte la paix du cœur permanente qui accueille la vraie Réalité. En ce même temps, le changement se fait écrin du repos :


" Celui qui dans l'action voit l'inaction et qui dans le non-agir voit le prolongement de l'action est le sage véritable. " BHAGAVAD GÎTA








La fluidité du geste unie à la paix de l'esprit exprime la symbiose universelle, car cette fluidité traduit la relaxation mentale, la non-fixation qui autorise le Non-agir puisque sans intention, ni but. Et parce que la vraie nature du mental est la pureté, l'immensité cosmique devient le lieu de la pratique. Les traits de lumière continus ou discontinus que dessinent les mains dans l'espace sont les preuves immatérielles de la Présence qui se cache dans l'Absence. D'" épais ", le geste est devenu " subtil ". Il a traversé les éléments. Il a vaincu les formes pour devenir impalpable, après l'immolation du grossier, du technique, de la rigueur, du symbole et du signe.


Depuis le commencement, le lieu de cette mort est notre corps et notre esprit. Dans un premier temps, le but de notre discipline est le développement de nos énergies afin qu'elles jaillissent sans partage, sans discontinuité, flot impétueux de notre centre retrouvé. Ce long cheminement offre la puissance et l'apparente maîtrise. Ce centre recèle le secret de la force créatrice, torrent de l'être né à lui-même et encore balbutiant.


Cette recherche ne doit pas nous faire oublier que le TaiJi Quan & Qi Gong, à l'identique de l'Aikido, est un instrument que nous pouvons utiliser sur plusieurs plans et qu'il peut se vivre suivant une gamme infinie liée aux diverses personnalités.


Au terme de cette lecture, rappelons tous les moyens qui peuvent être successivement ou simultanément employés. Tout d'abord, nous avons usé d'une voie technique. Pratiquée comme une fin en soi, elle débouche sur un contrôle du corps physique et une vitalité. Cette pratique, ne l'oublions pas, est un obstacle à des buts plus élevés. Ceux qui empruntent ce chemin ne pratiqueront qu'un Budo corporel (kaku no budo) et comme le disait le Maître Uyeshiba, jamais son Budo spirituel (kon no budo).








Nous avons également recherché un contrôle de l'esprit par un travail de concentration sur le Centre. Davantage, nous avons essayé d'harmoniser notre corps avec l'univers en recherchant les alternances du Yin et du Yang, qui permettent la maîtrise de nos propres énergies et d'accueillir, guider et orienter celles de nos partenaires.


Puis nous avons approfondi la dimension cosmique par l'utilisation des symboles des gestes des mains et du corps entier. Mais comme nous ne vivons pas seulement de nos actions mais de leur sens, nous avons aspiré à l'action juste qui conduit à l'émancipation dans le renoncement au fruit de nos actions. Par ces multiples exercices, nous avons essayé de parvenir à un état de Quiétude afin de dépasser une conscience microcosmique et nous unir à la conscience macrocosmique. Durant cette ascèse, pour avancer d'un pas, il s'agit de mourir sans cesse aux fruits de l'avoir, mourir à la puissance, au pouvoir et à sa création.


Il nous faut franchir les Portes, traverser nos déserts, espaces-temps où nous sommes livrés à la tentation de Puissance, de Possession et de Jouissance... abolir ces instants de rencontre du oui et du non où nous tremblons du désir de laisser des traces... Alors, peut-être au bout de nombreuses années, aurons-nous accès à la Sagesse de la Terre... Sagesse de l'Egalité puisqu'à tous elle donne et reprend. Nous entrerons à cet instant, dans la Sagesse de l'Eau... Sagesse semblable au Miroir, puisque nous contemplons le Ciel et nous-même en lui. Nous obtiendrons, s'il se peut, la Sagesse du Feu... Sagesse du Discernement qui brûle toute ignorance et toute erreur...Afin de pénétrer dans la paix de la Sagesse de l'Air... Sagesse du tout accomplissement, Sagesse de l'Ether somme de toutes ces Sagesses.








Tout au long de ces épreuves, le SILENCE a pris lentement la place, ne serait-ce que parce que c'est dans le Silence que nous veillons nos morts, que c'est par le Silence que meurent nos démons et que c'est dans un immense Silence que renaît la Vie.




retour en haut de page Sommaire Accueil