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La Peinture traditionnelle Chinoise
synthèse par Au Fil du Temps et Gaëlle Fleur Debeaux



LE NATUREL EN PEINTURE

Le naturel (ziran) ou dynamisme naturel, représente à la fois l'origine et le but de l'art chinois. Il est considéré comme la valeur suprême de toute activité humaine. L'idéal Taoïste, Confucéen ou Bouddhiste est un détachement total qui amène à une création en pure liberté, au-delà des sentiments humains. Le naturel en tant que valeur esthétique représente la spontanéité de l'expression dans le prolongement du dynamisme de l'univers et l'absence de mise en avant de soi. Cet idéal de naturel, fondé sur la spontanéité, implique donc un refus de l'adresse, de l'habileté technique (critère taoïste). La virtuosité est considérée comme vulgaire. La maladresse est une valeur prônée depuis les temps les plus anciens. Notons que maladresse ne signifie pas absence d'habileté, mais plutôt fraîcheur, naïveté. L'habileté technique est pour l'art chinois une étape à franchir, la maladresse sous-entend une fraîcheur au-delà de la technique.

Naturel et simplicité

La simplicité (jian) ou sobriété dépouillée va de pair avec l'uniformité (ping\ l'effacement ou fadeur (dan), solitude ou repos oisif (xien), le calme (jing), la distance lointaine (yuan). La simplicité de facture fait référence à l'absence de dextérité et à la maladresse. Selon Dai Xi (1801/1860) : " Les quatre beautés essentielles en peinture sont le repos oisif qui libère force et efficacité, le silence plein de sagesse et de perspicacité, l'effacement qui permet de discerner l'intention et sa portée, la distance qui étend les aspirations".

Naturel et inachevé

Dès lors que la peinture devient un art véritable, elle conçoit le principe de l'inachèvement. L'inachèvement permet d'introduire le devenir dans une peinture c'est-à-dire l'esprit, la vie, d'insérer le temps dans un art de l'espace. Inachevé ne signifie pas inaccompli. La création se continue d'elle-même en une sorte de cosmogénèse, dans un univers en perpétuel changement. La peinture permet de rendre la vie aux choses, et au spectateur d'y participer à son tour. La place laissée à l'inachevé sont autant d'appels à l'imagination du spectateur, de mouvements, de liberté dans l'œuvre. Dans la cosmogonie chinoise tout est changement, il n'est pas de création définitivement achevée. La peinture doit donc restituer le monde mouvant naturel des Chinois. La terre peut devenir eau, les nuages montagnes et inversement L'inachèvement laisse la place au changement.

L'art du trait est un art du devenir, il n'est ni contour ni masse. Mieux vaut suggérer au lieu de montrer. La catégorie du naturel demeure une valeur primordiale en peinture encore de nos jours. Une œuvre n'est jamais achevée en soi surtout si elle se présente en rouleau puisque amis et collectionneurs peuvent y apposer leur sceau ainsi que des appréciations qui modifient alors la composition d'ensemble.

Chaos primordial de G.F.Debeaux


LE PROCESSUS DE CREATION EN CHINE

L'unité du processus créateur s'envisage selon quatre phases : L'intention (yi) le souffle (qi) le dynamisme (shi) et le principe (li), enfin le pinceau (bi) et l'encre (mo). Ces phases sont toutes concomitantes. L'expression artistique commence avec les sentiments. L'incitation (xing) naît du processus de concentration méditation et a pour conséquence un geste spontané c'est-à-dire dans le prolongement du dynamisme de l'univers. L'esprit de l'artiste doit être identique à celui du sage, c'est-à-dire libre de toutes pensées, détaché, semblable à un miroir ou à de l'eau calme. A partir du VIII ème siècle l'expression personnelle de l'artiste prend le dessus, par rapport à la seule émotion extérieure. L'art est alors considéré comme l'expression de l'homme profond et de ses sentiments. L'intention (yi) est la conscience agissante de l'artiste, sa vision, son intention ou sa relation au monde. Selon Zu Yunming (1460/1526) : "Entre terre et ciel, chaque existant recèle une intention de vie (shengyi) ce qui représente le merveilleux de la création". Cette citation montre la situation particulière entre les peintres et l'univers qui est une relation d'existant à existant.

Le souffle, qi :

L'intention préside au souffle mais celui-ci doit être présent dans tous les traits, c'est lui qui anime et permet de donner forme à l'intention première. Le qi souffle énergie ou élan vital fait le lien entre te cœur et la main mais il a besoin du tracé pour s'incarner : l'artiste prend ainsi modèle sur le processus de la création.

Le dynamisme, shi :

Le processus de création commence par l'observation et non par l'imitation formelle. Le premier principe pour réaliser un paysage est de s'éloigner afin de parvenir à constituer visuellement et mentalement une scène, c'est-à-dire à distinguer les lignes de force du paysage. La réduction simplificatrice grâce à l'éloignement fait ressortir les formes essentielles. Selon Jing Hao : "Les lignes de force (shi) du paysage s'appréhendent de loin, la substance se saisit de près".

L'expression qushi :

Qushi signifie emprunter le dynamisme de la nature et apparaît au X et XI ème siècle. Le shi ou force dynamique s'applique au monde naturel et au processus de la réalisation de l'œuvre au pinceau. Shi en peinture, correspond à l'élan donné par le trait, par le tracé. En peinture, emprunter le shi signifie emprunter les formes de la nature et de ses mouvements. Le shi est la réalisation concrète du qi. Selon Shen Zongquian : "Le shi est formé de qi, le shi se sert du qi, le shi est visible alors que le qi est invisible. C'est pourquoi pour obtenir le shi il faut d'abord cultiver son qi. Le qi et le shi s'expriment d'un seul soupir, de façon coulante". Cette citation explique que lorsque l'on meut le pinceau, il faut se concentrer sur le souffle, lorsque le souffle arrive, alors la force arrive.

Le principe, li :

Le principe interne constant correspond à l'intention de l'univers, au sens de la vie, au Dao, dans son aspect accessible à l'artiste. Il permet de saisir une chose, un objet dans son devenir, dans sa dimension temporelle. C'est dans le temporel et le fini que l'artiste doit rendre l'intemporel et l'infini.

Pour conclure sur le processus créateur, l'artiste se concentre pour faire naître en lui une intention formelle, à l'issue de la méditation, le cœur est ému au contact du monde. Il y répond par une intentionnalité qui est mise en œuvre grâce au qi, et prend forme sous l'aspect d'un dynamisme puissant, le shi. Afin de préparer le yi (l'intention), l'artiste copie les anciens et étudie la nature. L'intention engendre l'oubli de soi, l'artiste s'unit à l'intention du cosmos. Si l'intention subsiste même à la fin du tracé, l'œuvre est réussie. La création personnelle se modèle ainsi sur le processus de la nature elle-même.



LE VIDE DANS LA PEINTURE CHINOISE

La peinture chinoise va d'une tradition marquée par le réalisme vers une conception de plus en plus spirituelle. Cette spiritualité, essentiellement inspirée du taoïsme, s'est enrichie par la suite de la philosophie bouddhiste chan. Dans la réalisation d'un tableau, le Vide intervient à tous les niveaux, depuis les traits de base jusqu'à la composition d'ensemble. Le Vide part d'un centre et circule de niveau en niveau, suivant un mouvement en spirale. Le tableau a une conception organique rappelant le corps humain ou le cœur habité par le Vide médian concentre les souffles pour les répartir à travers les organes et viscères.

Souffle et rythme :

Dans un trait, le souffle rythmique ne peut s'obtenir que par la qualité du Vide que le trait contient ou implique. Le peintre doit commencer à peindre lorsque le Plein de sa main atteint son point culminant et cède soudain au Vide. Par le Vide, la force du trait pénètre le papier jusqu'à le traverser. Ainsi tout s'anime à la surface du papier, étant mu par le Souffle.

Forme et volume :

Dans la représentation des formes par le trait, la notion d'Invisible-Visible est importante, principalement pour la peinture de paysage ou l'artiste doit cultiver l'art de ne pas tout montrer afin de maintenir vivant le souffle et intact le mystère. Cela se traduit par l'interruption des traits et par l'omission de figures dans le paysage. C'est au moyen du Vide que le peintre fait sentir les pulsations de l'invisible dans lequel baignent toutes choses.

Homme-Ciel :

Le tableau concrétise le désir de l'homme qui, ayant assumé la Terre, tend vers le Ciel afin d'atteindre le Vide, lequel entraîne le tout dans le mouvement vivifiant du Tao. Selon Fan Chi : " Le Vide ne doit pas être un espace inerte. Il faut que le vrai Vide soit plus pleinement habité que le Plein. Car c'est lui qui sous forme de fumée, de brumes, de nuages ou de souffles invisibles, porte toutes choses, les entraînant dans le processus de secrète mutations. Le Vide confère au tableau cette unité ou toutes choses respirent comme dans une structure organique.

Le Vide dans le paysage :

Prenant comme exemple des paysages de montagnes ayant une perspective de distance profonde, perspective la plus employée, ou le spectateur est censé être sur une hauteur d'où il a une vue plongeante et panoramique sur tout le paysage. Ce type de tableau présente souvent trois groupes de montagne qui s'étendent de plus en plus loin, séparées par des vides permettant au spectateur de pénétrer en esprit dans le tableau et donnant l'impression de faire chaque fois un saut d'une section à l'autre. Ces Vides ont pour fonction de suggérer un espace non-mesurable, un espace né de l'esprit ou du rêve. La randonnée du spectateur à travers le paysage devient alors une randonnée spirituelle, portée par le courant vital du Tao.

La cinquième dimension :

La Cinquième dimension est représentée par le Vide à son degré suprême : le Vide transcende l'univers pictural en le portant vers l'unité originelle. Selon Huang Pin-hung : " Conscience du Blanc, contenance du Noir, unique voie qui accède au mystère ".

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