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Energies et Allergies
extrait d'un article de Patrick Shan




Petit guide de la survie en milieu hostile

Comme tout système vivant, l'être humain doit vivre en système ouvert avec le monde, c'est-à-dire se laisser traverser par un flux, admettre information, énergie et matière en provenance de son environnement, et pouvoir expulser les déchets. A défaut d'un tel fonctionnement, il consommerait rapidement son énergie interne, telle une pile non rechargeable, et mourrait en quelques jours, voire quelques minutes ; le test est simple : il suffit de cesser de respirer ! Mais qui dit ouverture, dit également adaptation. L'homme doit pouvoir résister, s'adapter et se défendre par rapport à ce monde extérieur qui le nourrit. La vitalité humaine se répartit ainsi en deux grandes forces principales : une force de nutrition, de construction interne appelée en chinois Ying Qi, et une activité d'adaptation et de protection par rapport à l'extérieur, appelée Wei Qi. Ces deux types d'énergies symbolisent à leur manière toute l'importance que prennent "le gîte et le couvert" dans la vie humaine : elles sont à la base de la survie organique.



La capacité de résistance globale de l'être humain, son "pouvoir immunitaire" en quelque sorte, est appelée en chinois Zheng Qi : énergie droite, correcte. A cette énergie participent toutes les fonctions du corps, soutenues par les apports extérieurs (air, nourriture), ainsi que l'esprit, que l'on pourrait assimiler ici à une certaine "force de caractère". On sait par exemple qu'une personne qui craint d'attraper froid tombera plus facilement malade. Comme cet homme retrouvé mort d'hypothermie après avoir été enfermé par accident dans une chambre froide... alors que les frigos n'étaient pas branchés et que la température était normale.

L'immunité n'est donc pas uniquement liée à la seule fonction de défense (Wei Qi), mais également à la capacité de nutrition (Yin Qi)et aux dispositions psychiques Shen Qi. De la même façon que, dans un effort de guerre, un pays engage non seulement son armée, mais toutes ses ressources, toutes ses forces vives pour préserver son intégrité. Dans le corps, c'est la même chose : pour résister à l'envahisseur, il lui faut des remparts, des soldats, des cuisiniers, et toujours veiller au moral des troupes! C'est tout cela qui forme le Zheng Qi. Face à cette capacité naturelle de résistance se trouve le monde extérieur, chargé d'une multitude d'agents potentiellement pathogènes, nommés, Xie Qi en chinois, généralement traduit par "énergies perverses ". Ce terme englobe aussi bien la notion de virus, bactérie, parasite et autres micro-organismes pathogènes que celle des climats qui permettent leur éclosion et leur propagation.

Le Dr Leung Kok Yuen illustre ce fait par l'anecdote suivante : "Imaginez qu'en rentrant de vacances, vous trouviez à l'intérieur de votre maison des champignons sur les murs. Vous pouvez avoir deux réflexes possibles : Vous pouvez vous demander "Quelle est cette espèce de champignon ? " Puis faire des prélèvements, recenser leur nombre et leur taille, et enfin mettre au point un produit toxique pour les éliminer. Vous pouvez aussi vous dire : "II fait froid et humide, ici ! " Puis ouvrir les volets et les fenêtres, et rallumer le chauffage pour permettre à l'air, à la lumière et à la chaleur de rétablir un microclimat normal à l'intérieur de la maison, afin que les champignons disparaissent d'eux-mêmes. C'est ainsi qu'un diagnostic de "salmonellose" en médecine moderne peut être baptisé "chaleur et humidité dans le gros intestin" en médecine chinoise ; et être traité tout aussi efficacement sur cette base, sans avoir eu nécessairement recours au microscope et aux analyses...

La même logique s'applique à de nombreuses pathologies. Ainsi les allergies, qui en médecine chinoise sont appelées "maladies du vent", toujours par "analogie climatique " des symptômes : le vent est léger, il affecte le haut du corps et fait écouler les liquides. Quand le vent souffle on a le nez qui coule et qui démange, provoquant des éternuements, les yeux qui larmoient ; la gorge qui s'irrite, entraînant de la toux... des signes classés "rhume des foins" ou "rhinite allergique" en Occident, et attribués aux divers agents allergènes que le vent véhicule. Bref, là où la médecine moderne se focalise sur les seuls agents pathogènes, la médecine chinoise s'attache plutôt au climat et à la résistance interne de l'organisme. Ce faisant, elle ne peut pas dire avec précision où se situe par exemple une tumeur et quelle est sa taille, mais elle a par contre une idée de ce qui peut la faire naître, et pourrait permettre de la faire régresser.



Pour la médecine chinoise, la notion de terrain est indissociable de celle de maladie. Elle se situe entre les deux extrêmes que forment d'un côté une médecine "pasteurisée" qui attribue toutes les maladies à des micro-organismes pathogènes ; et de l'autre une médecine "généticienne qui cherche dans le seul génome la source de tous nos problèmes. En parodiant une célèbre formule, on peut dire en médecine chinoise que "le microbe n'est pas rien, le terrain n'est pas tout. C'est le ratio entre la résistance / adaptabilité " Zheng Qi" et l'environnement plus ou moins pathogène qui est fondamental, c'est pourquoi les deux doivent être également pris en compte. Comme l'enseigne cette histoire de Zhuang Zi :

" Qui sait ménager sa vie imite le berger qui fouette les derniers moutons de son troupeau ". Qu'est-ce à dire? Dans le pays de Lou vivait un certain Chan Pao. Il habitait au milieu des rochers, ne buvait que de l'eau et n'avait aucun rapport de profit avec les hommes. Parvenu à l'âge de soixante dix ans, alors qu'il avait conservé le teint d'un bébé, il rencontra un tigre affamé qui le tua et le mangea. Le riche Tchang Yi se démenait dans la capitale, parmi les hautes portes et les lourdes tentures suspendues. A l'âge de quarante ans il attrapa une fièvre interne et en mourut. Chan Pao soignait son intérieur, mais le tigre le dévora à l'extérieur. Tchang Yi soignait ses besoins extérieurs, mais la maladie attaqua sa constitution interne. Tous deux eurent le tort de ne pas fouetter les derniers moutons… (Zhuang Zi).





Une immunité à géométrie variable

Pour toutes les espèces vivantes, c'est la résistance intrinsèque de chaque organisme par rapport aux facteurs qui peuvent l'agresser, qui fait que cet organisme maintient ou non sa place dans le milieu. Un ouvrage de médecine chinoise l'exprime ainsi :

"Un bûcheron affûte sa hache et coupe du bois. Le métal mord le bois à travers l'écorce molle. Mais s'il y a un nœud dans le bois, la hache peut se briser sur lui: on dit alors que le mou a résisté à l'attaque du dur. Ceci explique comment le corps peut être attaqué en certains endroits et résister en d'autres. Il en est du bois comme des hommes, on trouve des types nombreux et différents. Il y a des arbres qui fleurissent tôt et si le printemps est froid, ils fanent. Certains arbres contiennent toute leur humidité dans les feuilles et les branches, ils se dessèchent pendant les longues vagues de chaleur. D'autres arbres ont une écorce molle et spongieuse et pourrissent par temps humide. Certains arbres plient quand il y a des vents forts tandis que d'autres résistent Ainsi, tous les arbres doivent suivre les lois des quatre saisons, comme nous, chacun à sa façon. L'un est malade alors que l'autre n'a rien ou tire même profit de la situation."

Dans de nombreuses pathologies -à commencer par les allergies- la recherche épidémiologique a prouvé qu'il suffisait parfois à certains individus de rechercher un environnement mieux adapté pour éviter la maladie. C'est tout l'avantage de l'être humain, fait d'un bois aux racines mobiles ! Mais l'évitement n'est pas toujours possible. Il faut donc, avant tout apprendre à "cultiver son jardin" pour éviter la maladie. Quelles que soient nos capacités initiales nous devons avant tout entretenir notre propre énergie, notre vitalité interne afin de préserver au mieux nos capacités de défense, d'adaptation et de survie.

Un autre ouvrage classique dit :

"Le vent, la pluie, le froid, la chaleur, quelle que soit leur agressivité, ne pourront pas rendre malade celui qui est suffisamment résistant et en bonne santé".

Quand un arbre est mal planté, une légère brise suffit pour le renverser. De même, à conditions climatiques égales certaines personnes attrapent le rhume et d'autres non. C'est à partir de ce moment où "un rien" peut provoquer une réaction, que l'on commence à parler d'allergie. Maladie qui, à l'évidence, trouve d'abord sa cause dans une faiblesse, un déficit d'adaptation, plutôt que dans ces myriades de micro-organismes qui ont toujours partagé notre monde. Même si ce sont eux que la médecine moderne pointe du doigt comme les responsables des réactions allergiques, il ne faut pas oublier ce grand principe à la base de toutes les maladies par immunodéficience, que la médecine chinoise exprime ainsi : la "perversité" est fonction de la résistance.

Ainsi, si tant de personnes développent une allergie au moment du printemps, ce n'est pas forcément parce qu'il est "pourri". C'est plus certainement par défaut d'adaptation, lui-même le plus souvent dû à un manque de repos et de "mise en réserve" pendant l'hiver. Ceci arrive également aux végétaux lorsque l'hiver est trop doux, et ne leur permet pas d'hiberner : ils sont envahis de maladies au printemps. A une échelle moindre, c'est ce qui se produit lorsque, après une nuit passée à veiller, on se retrouve au matin fatigué et frileux, craignant le moindre courant d'air, et voyant la vie redémarrer sans nous.




Poumon et Foie, la lance et le bouclier

Dans sa théorie des Cinq Eléments, la médecine chinoise associe l'activité du printemps a celle du Foie. Cet organe puissant est chargé de stocker le sang et de gérer sa pression dans l'ensemble du corps. Une partie de l'idéogramme chinois représentant le Foie désigne un bouclier. En effet, lorsque cet organe libère le sang, il afflue dans l'étroit maillage de capillaires qui enserre le corps humain, transformant sa surface en véritable cuirasse, empêchant vent et intempéries de le pénétrer.

Au printemps, le Foie voit son activité augmenter, comme pour compenser celle du vent au dehors, et il a alors besoin d'une quantité optimale de sang. Ce sont les Reins qui la lui fournissent, à partir des économies faites sur l'essence et les moelles du corps pendant l'hiver. Si cette réserve est trop faible, le Foie se retrouve en "vide de sang", dont l'activité nourricière (Ying Qi) ne permet plus de nourrir et d'imperméabiliser la surface. Un peu comme si, par manque de victuailles et d'ouvriers, une cité ne pouvait monter complètement ses remparts avant l'arrivée des forces ennemies. Il ne reste plus aux soldats qu'à lutter de toutes leurs forces pour repousser ces influences qui arrivent dans le corps comme en terrain découvert.

Ce système de défense (Wei Qi) hyper sollicité correspond en médecine chinoise au système pulmonaire, qui inclut les poumons, les bronches, le nez, mais également la peau, par laquelle on respire, et par laquelle le vent peut entrer. De fait, si elles se déclenchent plus volontiers au printemps, les allergies affectent en priorité les voies respiratoires ou cutanées ; rhinites, sinusites, asthmes, toux, bronchite, eczéma, oedème... Tout ceci reflète la lutte permanente que le Poumon est obligé d'engager pour repousser un vent chargé d'agents agresseurs que les remparts naturels du corps n'ont pas su arrêter.




Le produit pernicieux d'une logique de guerre

Il existe d'autres causes aux allergies, notamment celles qui ne sont pas saisonnières : la pollution atmosphérique, par exemple, représente un Xie Qi particulièrement virulent dans les zones urbaines et industrialisées, où l'on rencontre à l'année nombre de pathologies allergiques respiratoires ou cutanées.

Mais ce qui aggrave encore les choses, c'est la logique Thérapeutique de la médecine, qui a pris pour habitude de traiter les affections en attribuant leur manifestation aux seuls éléments envahisseurs du corps négligeant ostensiblement le terrain sur lequel ces maladies se développent. Ce qui a, pour le coup, un effet pervers supplémentaire. Ainsi, par exemple, la grippe se manifeste à son début par des frissons, une absence de transpiration, de la fièvre, des courbatures etc. En médecine chinoise, on parle d'une maladie de vent froid, et l'on considère que ces symptômes sont le produit de la lutte entre la défense du corps (Wei Qi) et l'agent pathogène (Xie Qi) : le froid bloque la peau et contracte les muscles, ce qui entraîne une absence de transpiration et provoque une réaction de frissons et de courbatures ; la chaleur interne ne pouvant plus s'évacuer, la fièvre augmente, etc. La logique thérapeutique consiste à se mettre "du côté des bons pour lutter contre les méchants", et par exemple, à ce stade, à procéder à une sudorification pour aider le corps à chasser le froid de sa surface.

En médecine occidentale, il en va tout autrement : ces symptômes sont considérés comme ceux du virus seul, et non le produit d'une lutte entre une bonne et une mauvaise énergie. Le résultat consiste donc à "bombarder" les dits symptômes, leur disparition indiquant que l'on est venu à bout du virus. Mais en négligeant les forces du corps qui participaient à la lutte, en les bombardant en même temps que le virus, on a fait cesser le combat faute de combattants, en laissant la porte ouverte à d'autres envahisseurs, qui auront d'autant moins de mal à agresser le corps qu'il est à chaque fois moins résistant, ouvert "aux quatre vents"...

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