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Le gouvernement du Corps et l'entretien de la Vie
par Jean-Marc Kespi

Médecine traditionnelle chinoise, une introduction / Marabout





La Médecine traditionnelle chinoise décrit chez l'être humain, dans l'optique qui lui est propre, des mécanismes de la vie. Situons-les d'abord globalement. Notre corps est administré comme un pays ou un empire. Un gouvernement formé de dix viscères en est chargé. Le Cœur-administrateur, au centre, le préside ; il est entouré de ses ministres : le Poumon, le Foie, les Reins et la Rate. Sous la dépendance de la Rate, les entrailles (Vésicule biliaire. Estomac, Intestins et Vessie) gèrent tous nos territoires, dont, en premier, le corporel.







ZANG ET FU


Les viscères sont classés en deux groupes, Yin et Yang, les Zang-Organes et les Fu-Entrailles. Les Zang-Organes thésaurisent, les Fu-Entrailles sont des lieux de transit et de transformations. Zang renvoie aux Cœur, Poumon, Foie, Rate et Reins. Fu représente la Vésicule biliaire, l'Estomac, les Intestins et la Vessie.


Le caractère Zang est fait de l'idéogramme Cang auquel est contraposée la clé de la " chair " pour signifier que l'on parle du corps humain. Cang signifie cacher, dissimuler, mettre en réserve, emmagasiner, conserver, thésauriser. Le rôle fondamental des Zang est de thésauriser les Jing et Shen correspondants. Pour mieux comprendre, souvenons-nous que Jing et Shen sont, avec Qi, à l'origine de la vie. Ils se diversifient, entre autres, en cinq Jing et cinq Shen qui répondent aux cinq Zang-Organes et fondent leur fonctionnement. Il est donc capital qu'ils y soient conservés. La plénitude des Zang est dite Man : tout est rempli, on ne peut rien y ajouter. Que peut-on ajouter en effet à Jing, Shen et Qi ?


Fu s'écrit avec le même radical, celui de la chair, et a pour sens dépôt, recueillir, résidence, préfecture de premier ordre. On y dépose des objets précieux. De grands personnages y résident. Leur plénitude est dite Shi : aboutissement des transformations, elle implique une fructification débordante, exubérante. En relation avec l'autel du dieu du sol et des moissons, les Entrailles-Fu ont pour fonction de gérer tous nos territoires, corporel, affectif, professionnel…. Elles les délimitent, irriguent, ensemencent, nourrissent, font fructifier, drainent et coordonnent.


Il y a donc, idéalement, deux sortes de ministres, ceux qui thésaurisent l'essentiel et l'originel et ceux qui reçoivent, transforment et font fructifier. Cette symbolique définit deux attitudes conjointes pour gouverner : s'enraciner dans le fondamental, conserver l'essentiel pour recueillir, transformer et faire fructifier. Sans ces principes, nous ne gouvernons pas, nous gérons notre vie au jour le jour, sans vision.







LES ORGANES-ZANG



LE COEUR


Le Cœur est l'Empereur. Fils du Ciel, Miroir du Shen, Tanzhong : ces termes recouvrent une même position médiatrice entre le Ciel archétypal et le corps. Le rôle du Cœur est de faire en sorte que tout ce qui est d'ordre universel soit coloré par notre nature singulière :

- il abrite Xing, notre nature propre, et " régit le sang ", support de notre spécificité et de nos caractères chromosomiques ;

- il est " logis du Shen ", de cette vibration primordiale qui, se reflétant sur le miroir de notre Cœur, devient notre Shen;

- il " commande aux Mai ", vaisseaux qui véhiculent et particularisent les lois archétypales qui nous régissent ;

- nommé Xin Shu, " ce par quoi le Cœur commande ", il administre notre corps dans une activité non agissante, dans une action, médiatrice, de présence ;


L'Empereur est aussi le soleil de l'Empire. Le Cœur est notre soleil, et par là Feu, source de vie, chaleur et lumière. D'où sa relation avec l'été dans les Wu Xing-cinq agents. Citons à nouveau Marcel Granet pour illustrer la fonction essentielle du cœur : " Avant d'aller distribuer les Insignes en circulant sur terre à la manière d'un Soleil [...], l'Empereur devait, pour mériter le titre de Fils du Ciel et d'Homme Unique, s'élever, tout droit et confondu avec l'axe du Monde, sur la Voie (Wang Tao) par laquelle, à des instants sacrés, le Ciel et la Terre entrent en communion." L'Empereur est en nous et nous invite à ces instants sacrés.

….

Le 14 V.C., médian, à deux distances sous le sternum, est le logis du Feu du Cœur.


Une femme de trente et un ans me fait part de ses angoisses importantes, solaires, paralysantes, accompagnées de diarrhées, tachycardies, tremblements et de sensations de froid profond, "jusqu'aux os". Elle dort mal, se réveille souvent, son sommeil est de mauvaise qualité, sans rêves. Je relève dans ses antécédents une hypothyroïdie avec froid intense, fatigue, constipation et prise de poids. Le pouls du Cœur est insuffisant. Elle a perdu son père et son frère; elle rencontre des problèmes avec son fils de huit ans. Sa meilleure amie est en train de mourir d'un cancer. Elle ne veut prendre aucun traitement en dehors des extraits thyroïdiens. Ses symptômes évoquant Cœur,insuffisance et froid, disent que le " Feu du Cœur est en insuffisance ". Je tonifie le 14 V. C. et le chauffe avec des bâtons d'armoise. L'amélioration est rapide et spectaculaire compte tenu du contexte.


Le 11 V.G., médian, situé sur le "Vaisseau Gouverneur", est lié au Palais de l'Harmonie préservée, dont nous avons vu qu'il était, au centre de la Cité interdite, le lieu où l'Empereur, dans une activité non agissante, gouvernait l'Empire.


Une patiente de trente-cinq ans, mère d'un garçon de sept ans, me parle de sa dépression et de ses troubles fonctionnels cardiaques avec tachycardie et douleurs précordiales. Elle a perdu son entrain, sa joie de vivre. Elle a bien digéré le cancer du sein pour lequel elle a été traitée, il y a trois ans. Mais elle est toujours engluée dans un conflit avec sa mère qui l'a amenée à recommencer une psychothérapie, il y a un an. Aujourd'hui, elle se sent incapable de " gouverner sa vie ". La prise des Pouls selon la M. T. C. confirme le " vide de Cœur ", la déficience du Cœur en tant qu 'il préside, au centre, au gouvernement du corps. La puncture du 11 V.G. contribuera sensiblement à améliorer sa dépression.


Le 15 V., lié au Souffle de cet organe, appelle au repos, à la concentration, au sommeil, surtout dans les atteintes récentes ou aiguës. Il apaise et calme. Le 15V. peut être mis en relation avec le Palais de l'Harmonie parfaite : ils ont en commun le repos, la concentration, le calme, l'apaisement et le retour sur soi.


Une jeune femme de vingt-huit ans atteinte d'une maladie neurologique grave, pour le moment stabilisée, arrive en larmes, très agitée : "Je suis très angoissée; la psychothérapie réactualise cette semaine des angoisses de mort qui m'ont envahie pendant toute mon enfance et que j'avais occultées. " Devant cette urgence, le 15 V. me paraît tout indiqué. Une demi-heure après, elle est détendue et paisible.







LE POUMON


Le Poumon est dit être le " Premier ministre " du Cœur. Etre le Premier ministre, c'est être le plus proche. Le Poumon est le plus proche car il incarne le Soufflet qui, dans le Vide Médian, entre Ciel et Terre, génère les dix mille êtres, permet aux Qi de se condenser, de se transformer et de circuler. Sachant la relation entre Vide Médian et Cœur, nous comprenons la proximité de ces deux organes.


Par ailleurs, le Poumon est l'émanation de son Shen, le Pô, qui gère " les entrées et les sorties ", à commencer par la " sortie dans la vie ", impliquant une prise de forme du Qi qui nous est alloué à la conception. Si une partie de ce Qi n'est pas incarnée, pour une raison ou une autre, nous avons, associée à des troubles respiratoires, " envie de tuer et/ou de mourir ", comme si le Qi non utilisé se retournait, avec sa vocation de vie ou de mort, contre la personne.


Le Poumon est dit être le " Toit des viscères ", abaissant vers le petit bassin les Qi, circulants et respiratoires, ainsi que les Liquides organiques qui confluent à son niveau. Le souffle inspiré s'abaisse, du " Ciel vers la Terre ", dans le pelvis, où il est " accueilli par les Reins ". A l'expiration, il prend appui sur cette région pour remonter " de la Terre vers le Ciel " et être expulsé. C'est dire l'importance de la relation Poumon-Reins et thorax-pelvis dans la respiration. Cette physiologie évoque le toit des maisons traditionnelles chinoises; il comporte en son centre un orifice qui permet aux influences célestes de pénétrer dans la maison et aux souffles domestiques d'être évacués vers le ciel.


Par ailleurs, le Poumon est en relation avec l'Automne, saison de la récolte, du ramassage, de la descente des souffles du Yang vers le Yin, du Ciel vers la Terre. En automne, le Ciel se retire, la Terre et l'Homme " resplendissent dans la paix, la clarté et la tranquillité ".


Ainsi, les fonctions des Poumons s'enracinent dans un mouvement du Ciel qui s'investit sur Terre puis se retire, laissant l'Homme libre, paisible et tranquille. Le rôle essentiel du Poumon réside certainement dans sa capacité à assumer, à l'automne de sa vie, adulte, libre, autonome, tranquille, juste et pur, séparé du père et de la mère, " sa nature et sa destinée ". La relation étant étroite entre Poumon, entre justice et injustice, entre pureté et impureté, la capacité d'être juste et pur est ici fondamentale.


Un homme de cinquante-deux ans souffre d'une bronchite évoluant depuis trois mois, malgré tous les traitements et des bilans paracliniques normaux. C'est inhabituel chez lui. Il est d'ailleurs rarement malade. A la question, rituelle pour un acupuncteur en pareil cas, " avez-vous eu la sensation de subir une ou plusieurs injustices importantes ? ", il me répond par l'affirmative. Directeur de banque, il a "fait la fortune de son agence " ; deux mois avant que sa bronchite ne se déclare, pour des raisons inconnues de lui, le président de la banque l'a marginalisé. Cet homme " était comme son père ", son vrai père étant décédé peu après sa naissance. Son poumon disait sa souffrance, l'insupportable de cette injustice, d'autant plus qu'elle venait d'une personne incarnant une image paternelle, céleste. La puncture du 22 Rn. a guéri sa bronchite en quarante-huit heures. L'action de ce point est notoire en acupuncture dans cette indication.







LES REINS


Les Reins sont doubles, symboliquement doubles : " deux Jing (du paternel et du maternel) s'empoignent, s'étreignent ", un être est conçu. Les Reins ont en charge la transmission de la vie, la procréation, et donc la sexualité ; toutes les créations, y compris artistiques et spirituelles ; les passages " du Ciel antérieur au Ciel postérieur ", c'est-à-dire de la puissance à l'acte, du potentiel au réel; le mandat qui, à Mingmen, entre les deux Reins, nous est donné de nous recréer à chaque souffle.


Les Reins sont emblématiquement liés à l'Eau, " première origine de la naissance et de la vie ", essence, matrice, origine invisible mais aussi puissance, puissance de la graine qui, sous terre, contient l'arbre en devenir. " Lieu et source des transformations ", ils sont la force profonde où s'enracinent la vie, les Jing-quintessences (des aliments comme des liquides séminaux), les cinq Zang-Organes, le Cerveau, les Moelles et les Liquides organiques. Les Reins-Eau sont en rapport étroit et antagoniste avec le Feu-Cœur : la perturbation de cette relation peut être à l'origine d'hypertension, de tachycardie...


Le Shen des Reins est le Zhi, force instinctive, créatrice qui nous pousse à vivre et à survivre dans les pires conditions : une fatigue de type Zhi est physique, psychique, intellectuelle et sexuelle.


La saison correspondant aux Reins est l'Hiver, moment où la vie s'enfouit sous terre, comme le germe contenant des potentialités qui jailliront au Printemps. Ainsi les Reins répondent à l'assise, à la fondation terrestre sur laquelle la vie s'appuie pour se construire et jaillir. Ils sont ici en relation avec le Poumon, céleste. Toit des viscères, dont ils accueillent les souffles. Nous avons souvent à rétablir une relation Poumons-Reins pour traiter des troubles respiratoires rebelles. La puissance des Reins se manifeste, en M.T.C., dans les os, les lombes, les cheveux et l'ouïe.


Une femme de quarante-sept ans, sculpteur, massive et puissante, me consulte pour des migraines et une fatigue. Ses maux de tète, invalidants, datant de l'adolescence, mensuels ou bimensuels, sont unilatéraux, droite ou gauche, localisés sur le côté du crâne, sur le méridien Shao Yang. Violents, non influencés par les règles, le climat, le froid, la chaleur, l'alimentation, ils durent en général trente-six heures et sont mal maîtrisés par les différentes thérapeutiques. On n'en connaît pas l'étiologie. Sa fatigue, physique (moins de force, de résistance), psychique (moins d'entrain), sexuelle (moins de désir), intellectuelle (moins de concentration et de mémoire), est avant tout matinale : elle est si intense au lever qu 'elle se demande comment elle pourra affronter sa journée. Survenue insidieusement, elle s'est aggravée progressivement. Dans les antécédents, je note deux coliques néphrétiques sans calculs. Les pouls des Reins sont profonds. Passionnée par son métier, elle regrette de n 'avoir jamais pu avoir d'enfants. Un point me paraît indiqué. Situé sur Shao Yang (trajet des céphalées), répondant aux Reins, il met en mouvement l'énergie du corps, le matin en particulier : le 25 V.B. Sa puncture, mensuelle, améliore rapidement ses migraines et sa fatigue : " Vous avez mis en mouvement la force de mes reins ", dit-elle fort justement.


Les Reins, et en particulier leur fonction de thésaurisation du Jing, de la quintessence, sont souvent concernés dans certains surmenages importants, comme dans les dépressions du post-partum. La puncture du 52 V. participe à reconstituer ce Jing... si l'être ne le dépense pas aussitôt en continuant à méconnaître ses limites.







LE FOIE


Le Foie est sous-tendu par Hun, les " allées et les venues ". Sa fonction est d'aller et de venir librement, avec aisance, souplesse, liberté, sans entraves, le plus loin possible, jusqu'aux extrémités des branches et des racines. Aller et venir permet de voir clair et large ; de prévoir comme " le général des armées " dont le sens tactique est tel qu'il gagne les batailles sans avoir à les livrer ; d'établir un " plan ", de dresser des défenses ; de stocker, de faire des réserves ; d'éliminer les déchets, de drainer et épurer ; " d'aplanir et de réguler " le Qi, le sang, les liquides, les émotions et les sentiments... Aller et venir implique le mouvement : le Foie commande aux fonctions musculaires comme il permet d'aller et venir librement, le plus loin possible, dans le conscient et l'inconscient, l'imaginaire, le sommeil et les rêves.


Le Foie répond au Printemps, au cours duquel les Qi jaillissent, apparaissent et se déploient de la Terre vers le Ciel, de l'Hiver, où les Qi sont cachés sous terre, invisibles, à l'Eté, où ils fleurissent et fructifient, visibles de tous. Il régit la continuité de ces échanges entre visible et invisible. Foie-Hun est là indissociable de Poumon-Pô1, comme le sont les " allées-venues et entrées-sorties ", " les printemps et les automnes ". Le Foie, l'est, l'orient, le printemps expriment l'ipséité du vivant, la continuité entre invisible et visible. Le Poumon, l'automne, l'ouest, l'occident, impliquent la discontinuité et l'altérité. La Médecine traditionnelle chinoise porte là encore deux regards sur la vie, comme les traits Yang, continus, et Yin, discontinus, du Yijing.


J'accompagne une femme de cinquante-trois ans depuis 1994. Battante, pleine d'énergie, elle souffre de ballonnements abdominaux, d'une mauvaise élimination des toxines avec constipation, d'urines rares, de sueurs odorantes, d'œdèmes périodiques au visage et aux mains, d'un foie sensible à la plupart des médicaments, même mineurs, avec nausées et troubles de la vue, d'une rhinite allergique aux acariens. Accentués depuis sa préménopause, tous ses symptômes se sont nettement améliorés par un drainage des émonctoires. Elle se réveille assez souvent la nuit et, malgré son nombre d'heures de travail, elle ne ressent pas de grande.







LA RATE


La Rate est, au centre de l'Empire, aux côtés de l'Empereur tourné vers le Ciel, le héros préposé aux rites terrestres. Elle est, avec l'Estomac, le " Ministre des greniers " : on y engrange pour redistribuer. Elle a en charge la nutrition ; elle humidifie et fertilise ; elle participe à l'extraction de la quintessence (dite Jing du Ciel postérieurl) des aliments qu'elle décompose pour nous construire, après les avoir " transformés et transportés ".


La Rate a pour Shen le Yi, mise en forme active guidée par le Cœur, passage et transition. Elle régit les passages à l'acte, à chaque instant, à tous les plans, et relie, comme " la pensée, le propos, le sens, l'intention " qui sont autant de traductions possibles de ce caractère.


Centrale, elle irrigue les quatre membres et la " chair " du corps. Si elle est insuffisante, on se sent lourd, sans force, fatigable, les quatre membres sont faibles, et, bien évidemment, on digère mal. Elle répond à la Terre, qui, au centre des cinq mouvements des Wu Xing, " reçoit les semences et donne les récoltes ". Elle a sous sa dépendance les Entrailles-Fu qui gèrent nos territoires, corporel, professionnel, familial,social, affectif...


Un cinéaste de quarante-sept ans, longiligne, est épuisé, en particulier après les repas, avec des creux à onze heures et à dix-sept heures. Il ressent en permanence un blocage de l'estomac, qui lui donne l'impression de ne jamais se vider. Il tolère mal les graisses et l'alcool. Son corps pèse des tonnes. Tout cela l'angoisse. Il comprend comment il en est arrivé là : il n 'a jamais tenu compte de ses limites, encore moins ces deux dernières années professionnellement très difficiles dans ce métier ô combien aléatoire. L'enduit de la langue et les pouls confirment le vide de Jing de la Rate. Le 49 V., point du Yi, améliore singulièrement son état en trois séances.







LES ENTRAILLES-FU



L'ESTOMAC


Au centre du territoire, l'Estomac est sur le versant de l'Eau, la Vésicule biliaire sur celui du Feu. L'Estomac qui reçoit, cuit et putréfie les aliments est " le lieu et la source des transformations " : il est de l'ordre de l'Eau. Il est la " Mer des eaux et des grains " et " pourvoit aux quatre saisons ", c'est-à-dire à tout l'organisme. Il est " la racine des organes et des entrailles " ; " ainsi le souffle des cinq organes est toujours mélangé au souffle de l'estomac et ne peut agir seul ". Il est la Mer du souffle, du sang et de tous les viscères. Avec la Rate, il a la charge des " granges et des greniers ". La présence du souffle de l'estomac est ainsi d'importance vitale : " un souffle de l'estomac trop affaibli signe une mort prochaine " . En affinité avec les Reins-Eau, il est la source du Qi des Reins. Il est en contradiction avec le Cœur-Feu. Jeûnes de l'Estomac et du Cœur dialoguent. Un "Feu du Cœur" en excès peut être à l'origine d'un ulcère de l'Estomac. Il est aussi " Vide et Plein " : il régit la capacité à se remplir, à se nourrir soi-même, de soi-même, à être vide, à jeûner, à se priver de soi-même.


Une femme de cinquante-six ans souffre, depuis trente ans, de migraines intenses, gauches, tirant l'oeil vers le fond de l'orbite, ne répondant à aucune thérapeutique. Elle se plaint aussi d'un sommeil superficiel, rarement récupérateur et, si elle ne se contente pas de petits repas, d'un estomac qui ne se vide pas. Elle sait pourquoi : "Jusqu'à mon départ de la maison, à vingt-cinq ans, les repas familiaux se sont déroulés dans la haine. " Selon moi, ces trois symptômes sont liés : leur origine est à l'Estomac, ce que confirment les Pouls. Je puncture le point indiqué quand l'Estomac " ne peut contenir ", le 20 E. J'y adjoins, pour les migraines, le point du méridien de l'Estomac situé au crâne, le 8 E. à gauche. L'amélioration des trois symptômes, esquissée dès la troisième séance, est acquise après la cinquième, y compris au niveau d'un rhume des foins qu'elle avait omis de me signaler et qui répondait, bien évidemment, au même méridien.







LA VESICULE BILIAIRE


La Vésicule biliaire est, au centre du territoire, de l'ordre du Feu. " Tous les viscères viennent y prendre leurs ordres " : elle a vocation d'initiative, de mise en route des transformations (digestives, mais pas seulement). Dans le "juste et le médian ", elle est le " juge qui décide et condamne " ; elle " régit tous les commencements " ; elle permet qu'ils se fassent aux justes temps et lieux, à l'instar de l'Empereur qui initie le début de l'année à l'est et au printemps, faisant coïncider le temps et l'espace correspondants. Seule entraille " pure " qui ne soit pas au contact des aliments, elle fait partie, en outre, de l'ensemble des Entrailles curieuses, dont le but est la pérennité de l'être. Vésicule biliaire et Cœur, tous deux de l'ordre du Feu, sont très liés en physiologie comme en pathologie.


Mme C. me consulte pour des symptômes référant à la Vésicule biliaire (nausées, bouche amère, vertiges, point douloureux vésiculaire) et retentissant sur l'Intestin (spasmes intestinaux avec gaz malodorants, douleur à la main et à l'épaule droites sur le méridien correspondant). Quelle en est l'origine ? " Spirituellement, je suis en marche, je suis toujours en quête de mon être essentiel. Mais je ne suis pas reconnue par mon mari et mon fils. J'ai peur d'être exclue. C'est un problème d'existence au quotidien, me confie-t-elle. - Un problème de territoire existentiel? Lui demandai-je. - Exactement" fut sa réponse. Je puncture un point qui régit le centre du territoire, avec la Vésicule biliaire, l'Estomac et la Rate, le 11 V.C.



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LES INTESTINS


L'Intestin grêle a pour fonction de récolter, recevoir, planifier et faire prospérer. " Les choses ou matières (wu) transformées (hua) en sortent. " II reçoit ce qui vient de l'Estomac, le transforme et le fait fructifier sous l'action du Feu du cœur qu'il reçoit (il en est la Terre'). Il accueille aussi le Shen du Cœur. S'il ne peut le faire, ce Shen, non amarré, volatil, se dégage, entraînant angoisses, insomnies, difficultés à se centrer et à se concentrer, labilité émotionnelle avec, bien sûr, des troubles intestinaux. Deux points répondent à ces fonctions terrestres, les 23 E. et 24 E. Le premier est uniquement sensible au stress et à l'angoisse. Le second l'est aussi à certains aliments, les crudités en particulier.


Thierry, six ans, accompagné de son père, me consulte pour une énurésie quotidienne. La naissance de son frère, il y a deux ans et demi, n'y a rien changé. Je ne relève aucun autre symptôme ou antécédent en dehors de quelques diarrhées émotives. " C'est un enfant angoissé, dit le père, avec une sensibilité excessive, un souci de perfection, un besoin de ritualisation protectrice; il communique facilement. " Puncture à la quatrième séance, le 23 E. entraîne rapidement une guérison de l'énurésie et une nette diminution de ses angoisses en enracinant sur la Terre correspondante le Shen du Cœur.


Le Gros Intestin, " Terre du Poumon ", accueille tous les Souffles et Liquides abaissés par cet organe, " Toit des viscères ", et les transmet, achemine et coordonne. "Toutes les transformations en sortent. " Son rôle de transmission et de coordination le fait intervenir dans le fonctionnement du système nerveux et dans certaines paralysies.


Un homme de cinquante-six ans se plaint de douleurs intermittentes des membres inférieurs, diffuses, sans trajet particulier, "électriques", comme neurologiques, toujours accompagnées de faiblesse et de difficultés à la marche. Ses crises ont débuté il y a six ans. Fait remarquable et inexpliqué, elles sont toujours accompagnées de troubles intestinaux avec douleurs spasmodiques, alternances de constipation et de diarrhée. Le patient évoque une fragilité intestinale depuis l'enfance, avec intolérance au lait. Pouls et langue étant normaux et, devant l'absence de toute autre symptomatologie, je puncture le V.G. 3. Les douleurs ont disparu définitivement après la seconde séance.







LA VESSIE


La Vessie assume " l'organisation des territoires et des cités ". Elle les délimite (comme le chat qui urine à la périphérie de son domaine), y trace des canaux, les irrigue et les draine. Pour cela, elle reçoit les Liquides organiques venant de l'Intestin grêle et des Reins, les trie et les fait circuler : elle est la " Terre des Reins ". Sa fonction rappelle les travaux de l'empereur mythique Yu le Grand, qui sauva la Chine du déluge en faisant s'écouler les eaux vers la mer, en endiguant les neuf lacs, en comblant et faisant s'égoutter les neuf voies d'eau, en faisant communiquer les canaux et en drainant les eaux usées. Arpenteur, il réaménagea la terre, qu'il fît mesurer, la parcourant en tous sens. Forgeron (Eau et Feu), il fondit neuf chaudrons, emblèmes du pouvoir impérial. A l'image de cet Empereur qui reçut d'un dragon les huit trigrammes du Yijing, la Vessie applique les règles célestes1 à l'organisation territoriale du corps humain.


Une patiente de quarante et un ans, énergique, vite révoltée, vivait seule depuis toujours. Il y a deux ans et demi, elle a noué une relation amoureuse. Six mois après, elle habitait avec son ami dans un studio de quarante mètres carrés, où elle s'est très vite sentie à l'étroit. A partir de ce moment-là, les cystites qu 'elle présentait de temps à temps se sont aggravées en fréquence et en intensité, avec envies pressantes d'uriner, brûlures profondes, pesanteur pelvienne et quelques incontinences. La relation entre cette aggravation et les problèmes de territoire était évidente. Le 28 E. fut pour ce cas très utile.



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