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La notion de Centre / La Sagesse et la Connaissance
par Jean Claude Sapin


L'art du Taï Chi Chuan / Editions Dangles



- La notion de Centre :

Considérons le T'ai-Chi inscrit au centre du cercle où sont localisés les 8 trigrammes. Lieu de projection de tous les autres points du cercle, il peut nous sembler facile de comprendre en quoi le centre est privilégié. Tout aussi clair et évident peut nous apparaître l'organisation de l'espace selon les croisées cardinales. En d'autres termes, cela revient à dire, à se dire : " II y a le Nord, il y a le Sud, l'Est, l'Ouest, et moi qui sais cela, centré, je peux m'orienter et me situer. "







Attitude parfaitement juste, mais aussi parfaitement insignifiante en regard de ce que veut nous dire la tradition taoïste. Pour le tao-shi le privilège du T'ai-chi n'est pas de l'ordre du constat géométrique. Et lorsque le maître de T'ai-chi chuan demande à son élève de se placer au centre de l'espace, il ne se réfère pas à une connaissance scientifique ou intellectuelle de l'espace. C'est tout autre chose qui est recherché et exigé ; d'une certaine manière c'est même tout le contraire. Le centre n'est pas conçu dans le taoïsme comme réceptif, point de référence, mais comme pivot créateur et origine d'un déploiement. Il est " la perle " dont parle la tradition, " l'œil du ciel ", mais en tant que matrice du temps et de l'espace. Ce point pivot dont émane le monde, c'est aussi l'homme uni au Tao, le T'chen Jen.







Ainsi, familiarisé avec la mentalité occidentale qui découvre des répétitions, formule des lois capables d'applications à partir de sa compréhension de l'espace et du temps, nous nous trouvons confrontés à la position inverse : temps et espace ne sont pas le produit d'une connaissance générale, mais dépendent d'une création individuelle.


Ainsi l'indication du maître de T'ai-chi chuan ne vise pas à se situer dans un espace connu, parce que pensé et mathématisé. Ce que le maître pourrait dire, si son intention n'était pas de faire ressentir c'est que vivre le T'ai-chi chuan ne consiste pas à opérer un mouvement face au Nord ou au Sud, mais que l'un et l'autre sont à découvrir, à naître dans le mouvement même. Mais avant de développer " l'œil du ciel ", il faut tourner le regard vers l'intérieur, et le premier déploiement sera celui du Ch'i à partir du centre du corps-univers, le Tan tien inférieur.








- La Sagesse et la Connaissance :

Dialogue entre un pratiquant et un Maître :


Le pratiquant :

" En Chine, il y a des bouddhistes, et il y a aussi des taoïstes. Et il est bien clair qu'ils ne sont pas identiques. Puisque le but est le même, c'est donc par leurs méthodes pour y parvenir qu'ils diffèrent les uns des autres. "


Le Maître:

" Alors ce dont vous avez soif, ce n'est pas la sagesse, mais des connaissances ! Quel dommage ! La sagesse est presque aussi satisfaisante qu'une bonne bouillie de millet. Tandis que la connaissance a moins de corps que de l'eau tiède versée sur de vieilles feuilles de thé. Mais puisque c'est cela que vous êtes venu me demander de vous servir, je vais vous en donner autant qu'en pourrait contenir votre ventre si maltraité. Je me demande quelle sorte de vieilles feuilles de thé vos maîtres bouddhistes peuvent employer. Nous autres taoïstes, nous en utilisons de toutes sortes... Ceux qui cherchent les connaissances ressemblent à des ruisseaux de montagne qui sont à un millier de lieux de la mer. Ils se hâtent et puis lanternent, et se jettent dans de profonds précipices ! Mais au fur et à mesure que le cours d'eau s'élargit, il s'apaise et prend conscience de son but. Il devient une rivière. Alors quel calme, quel silence ! A l'approche de l'océan, la rivière paraît même ne plus bouger. Vos maîtres vous ont offert la sagesse ; alors pourquoi perdre votre temps à acquérir des connaissances ? Maintenant, comprenez-vous ? "





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