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Histoires du Taiji Quan
Par Gérard Edde


Le Dragon de poche, conseils vitaux des anciens sages du Tao







ZHANG SAN FENG - LE SERPENT ET LA GRUE DU TAI JI


Il existe deux histoires du Taiji Quan, celle racontée dans les textes classiques et l'histoire transmise oralement dans toutes les écoles de chaque style. D'une manière curieuse, l'histoire et les légendes contées dans les diverses écoles convergent toutes et décrivent les mêmes histoires.


L'origine du Taiji Quan plonge ses racines dans la philosophie du Tao. La Chine ancienne présentait alors une structure féodale et les arts martiaux étaient l'objet d'une quête vitale et secrète, chaque disciple voulant connaître le summum de son art et chaque maître désirant réserver ses meilleures techniques à ses élèves les plus doués et les plus loyaux. En outre, l'apprentissage des arts martiaux était souvent lié à une ordination formelle dans le cadre du taoïsme, puis plus tardivement dans le cadre du bouddhisme.


Bien que les monastères taoïstes fussent naturellement dédiés aux pratiques spirituelles, les arts martiaux étaient cependant enseignés pour former les moines à la discipline et au contrôle de leurs énergies. Ces arts martiaux dits "internes" étaient aussi un vecteur pragmatique d'évolution spirituelle par leurs idéaux et pratiques. L'enseignement restait donc l'apanage des moines, dans un cadre bien différent de l'entraînement des guerriers et mercenaires de cette époque. C'est pourquoi le Taiji Quan et le Kung Fu originels sont teintés d'une indicible couleur spirituelle et d'une notion initiatique ou filiale.






Ainsi, le Taiji Quan puise-t-il sa théorie dans la connaissance du Yijing (en particulier dans ses versions taoïstes), dans la théorie médicale taoïste ancienne et dans l'alchimie interne de la circulation des souffles de l'énergie interne et externe (Neijing Qi et Wei Qi).


Selon l'école taoïste du Mont Hua, l'empereur mythique Shen Hung, agriculteur et herboriste, serait à l'origine de la théorie énergétique cosmologique des huit trigrammes (Ba Gua) du Yijing et des huit mouvements primordiaux du Taiji Quan : reculer-tirer vers l'arrière-pousser-presser-tirer vers le bas-se pencher en arrière-pousser avec l'épaule-pousser avec le coude. Chaque mouvement semble ainsi en liaison avec le concept dynamique de chaque trigramme. Cet enseignement purement taoïste du Taiji Quan existe encore dans certaines écoles.


On raconte encore que le grand empereur Yu (2000 environ. avant J.-C.) créa une sorte de danse cosmique destinée à se mettre en harmonie avec les forces telluriques. Ce style de pas magiques existe encore aujourd'hui dans certaines écoles du taoïsme religieux. Yu pensait que, tout comme l'eau stagnante est souvent infestée de parasites, la stagnation des liquides vitaux et du sang apporte la maladie. Il posa ainsi les origines de la conception taoïste du mouvement hygiénique.


L'empreinte de la philosophie naturelle du Tao est évidente dans les textes classiques du Taiji Quan, on y trouve notamment cette maxime :


Rejeter le souffle ancien et inspirer le souffle neuf, se mettre dans la posture de l'ours et s'étirer comme un oiseau.






On retrouve d'ailleurs dans le Taiji Quan de tous les styles cette référence à l'oiseau, tant dans le nom des postures que dans la forme en "bec" du poignet et des doigts.


On vient de découvrir en 1973 un texte important sur le yoga taoïste datant de 108 avant J.-C., dans une tombe du Hunan. Sur les quarante figures, certaines indiquent clairement l'imitation du mouvement d'animaux comme l'ours, l'aigle et le singe. Les autres dessins montrent que certains de ces exercices étaient utilisés pour guérir certaines maladies physiques ou psychologiques. Plus tard, sous la dynastie des Han, le célèbre acupuncteur Hua To mit au point une série de mouvements basés sur l'imitation des animaux. On considère que ces mouvements de Dao Yin furent à l'Origine des postures du Kung Fu.


Mais la source de la synthèse du Taiji, mouvements primordiaux du Taiji Quan. se trouve certainement dans l'école du mont Hua. Le maître Chen Bo y enseignait le style interne du Liu Ho Pa Fa (les six harmonies et les huit méthodes), certainement l'ancêtre du Taiji moderne. La statue de ce maître était encore visible au monastère de la source de jade des monts Hua.


D'autres exercices sont considérés comme d'origine divine, tels les célèbres Batuajin - les huit pièces de brocart ou huit merveilles - pratiqués de façon intensive de nos jours par toute la diaspora chinoise. Le taoïste Lu Don Bin serait à l'origine de ces mouvements copiés sur la danse des dieux. Plus concrètement, on considère que ces enseignements furent révélés par la voie du rêve ou par le contact avec des Xian pendant de longues retraites de méditation. Ainsi le Taiji Quan aurait été enseigné à l'ermite taoïste Zhang Sang Feng par l'immortel de l'étoile polaire : Hsuan Tien Zhang Ti à l'aube du premier millénaire ; selon d'autres sources le Taiji Quan était déjà pratiqué à cette époque sur les cinq pics sacrés du Wudang.


D'une certaine manière, on peut affirmer que personne n'a créé le Taiji Quan mais qu'il est le fruit d'une évolution à la croisée de plusieurs influences. La tradition orale de certaines écoles attribue la première forme de Taiji Quan au moine taoïste Zheng Yi Dao Ren qui vécut 500 ans avant notre ère. Il ne reste bien sûr aucune trace de cet art interne que l'on nommait " la boxe prénatale ", en référence à l'arrangement originel des huit trigrammes du Yijing décrivant la formation du monde.






On considère donc Zhang San Feng (qui vivait aux environs de l'an 1000 de notre ère) comme le père du Taiji Quan actuel. Cependant, la vie de ce taoïste légendaire ne fut décrite que dans des textes beaucoup plus tardifs, au XVIème siècle. La légende et la tradition orale nous laissent un portrait haut en couleurs de cet homme : d'énormes yeux et de grandes oreilles, de long cheveux tressés en chignon, ne portant qu'une seule robe en été comme en hiver, mangeant de copieuses quantités de nourriture, grimpant les montagnes comme s'il volait. Zhang San Feng est considéré comme l'un des six grands immortels de l'école taoïste des "immortels cachés" qui florissait encore au début de ce siècle sur le mont Hua.


L'histoire du Taiji Quan est intimement liée à cette école dont on disait que les maîtres avancés pouvaient rencontrer les maîtres du passé. Ainsi, Zhang San Feng "apparut" à plusieurs disciples jusqu' au XVème siècle. On attribue la rédaction de l'ouvrage "La Pratique du système du Taiji Quan " à Zhang San Feng, et l'on cite souvent ce passage descriptif de cet art :


Le Taiji Quan dépasse l'effort. La méditation, qui en est le premier pas, indique l'effort dans la quiétude et la croissance intérieure. Les mouvements du Tai Chi Chuan sont la partie externe de cette croissance. On doit combiner l'externe et l'interne, le doux et le dur pour atteindre le but suprême.


Zhang San Feng laissera l'image d'un être spirituellement réalisé qui calqua les mouvements du Taiji Quan sur le combat gracieux et mortel d'un oiseau et d'un serpent.






Quelques siècles plus tard, Chen Wangting, général en retraite de l'armée de la dynastie des Ming, axa un style de Taiji Quan basé sur le Livre classique de la boxe et sur sa pratique de cette forme de combat qui comportait diverses séquences. Cette version de la naissance de tous les styles du Taiji Quan moderne est confirmée par le maître Dong Hao (1897-1959) et recueille l'approbation de presque toutes les écoles. Chen Chen Hsing créa ainsi le style "Chen" qui donna ensuite naissance à toutes les autres écoles du Taiji Quan: Style Yang, style Wu (il existe deux styles Wu distincts dont l'orthographe en écriture chinoise est différente), style Sun, style Guang Bin...


Ce combattant est lui aussi nimbé d'une auréole de gloire dans la province du Shandong, il apportait de nouvelles méthodes martiales certainement issues du Kung Fu de Shaolin d'influence bouddhiste.


Le directeur actuel de l'institut d'exercices physiques de Shanghaï Gu Liuxin attribue à Chen Wangting la synthèse des pratiques suivantes :


*La coordination entre les mouvements et la respiration (souvent absente de certains styles enseignés en Occident).

*Les mouvements en spirale qui entretiennent la bonne circulation du Qi ou énergie vitale.

*L'exercice à deux, TUI SHOU (se pousser avec les mains), dont la pratique en compétition existe encore de nos jours.


Le style Chen est caractérisé par une succession de mouvements tour à tour lents et rapides et les coups de pieds surgissent parfois d'une façon explosive.


Ce style comprenait deux formes de mouvements originales qui se sont transmises le long de dix-sept générations, de la famille Chen jusqu'au dernier maître : Chen Fake (1887- 1957).






Mais revenons en arrière, à l'un des premiers maîtres Chen : Chen Hsiang qui développa la forme de 108 mouvements et enseigna Yang Lu Chan (17221872), fondateur du style Yang, bien connu en Occident. Peu de temps après naquit le style Wu de Wu Yu Hsiang, qui étudia à la fois le style Chen ancien et le style Yang.


Au cours de son histoire, le style Chen s'enrichit d'une "forme nouvelle" destinée plus particulièrement à entraîner et à échauffer le corps et plus récemment d'une forme simplifie en 38 mouvements de Chen Xiawang (19eme génération de la famille Chen depuis Chen Wang Ting), pratiquée actuellement en Chine où le style Chen connaît un "renaissance" due à ses mouvements à la fois toniques et harmonieux, représentant au mieux l'alternance Yin-Yang de la philosophie naturelle des taoïstes. Il faut aussi distinguer l'évolution de ce style selon les régions de la vaste Chine et on compte aujourd'hui un style Chen du Nord et un autre du Sud !


A l'époque de la révolution de 1911, le Taiji Quan était à la mode à Pékin, cela surtout à cause de sa réputation de méthode curative. On dit même que la plupart de pratiquants étaient alors uniquement préoccupés par son côté curatif, c'est pourquoi à cette époque naquirent des formes édulcorées de cet art martial "interne". La pratique de la boxe du Tai Chi apportait la valeur d'une recherche taoïste pour " obtenir un cœur serein et un esprit concentré ". Cependant, le renouveau actuel de la forme Chen oriente le Taiji Quan, à la fois vers ses applications martiales et la pratique d'une méthode de santé. De plus, les exercices complémentaires visant à entamer l'énergie le long de spirales de forces (le Chan Jun Chin) renouant avec l'énergétique chinoise et avec les mouvements lies aux huit trigrammes du YijinJing.


Du point de vue thérapeutique, les recherches chinoises ont montré que la pratique du TAIJIQUAN apportait des résultats sensibles dans les troubles suivants : La neurasthénie, les névralgies chroniques, l'hypertension, les gastrites et tous les troubles digestifs chroniques, les maladies cardiaques, la tuberculose, l'arthrite, le diabète et les maladies chroniques en général.






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