Les jing mai (méridiens) et leurs xue (points)
par Jean Marc Eyssalet
Les cinq chemins du clair et de l'obscur. Editions Trédaniel
Nul ne connaît l'origine de l'identification des jing mai, littéralement trajectoires et conduits (de l'énergie) ou, méridiens d'acupuncture, traduction consacrée par l'usage. La précision et la complexité du réseau d'ensemble laissent penser qu'il s'agit plus peut-être d'un cadeau des grands ancêtres que citent les classiques médicaux et sans doute d'êtres doués de facultés d'introspection extraordinaires, que le résultat quasi statistique obtenu après d'innombrables ponctures accidentelles ou volontaires par des observateurs infatigables.
La représentation statique de ces réseaux accolés au corps anatomique - souvent l'écorché type du laboratoire d'anatomie - si fréquente ces dernières années dans de nombreux ouvrages et informations générales, est en elle-même trompeuse et contribue à pérenniser un malentendu dans de nombreux esprits, y compris chez les scientifiques. Bien sûr cette représentation est nécessaire pour l'apprentissage de la topographie des méridiens, mais superposant arbitrairement deux regards fondamentalement différents sur l'être humain, elle est, en tant que telle, plus qu'insuffisante, elle est fausse.
D'abord l'énergie a plusieurs modes de propagation associes à ses différentes fonctions et circule aussi dans la totalité du corps, pas seulement dans les méridiens. Ensuite les méridiens ont des trajets internes, puisqu'ils émanent eux-mêmes des différents viscères pleins (Foie, Cœur Rate ) ou creux (Estomac, Intestin grêle, Vésicule biliaire). Sortant de la profondeur du tronc ou y rentrant, on considère qu'ils organisent sur leur passage ce que nous traduirions aujourd'hui par la vie neuro-hormonale, vasculaire, lymphatique des différents tissus constituant les membres, la tête, le tronc et qu'ils modulent les relations entre les fonctions pyscho-physiologiques (dont les centres de référence sont dans la profondeur) et les influences, événements ou apports externes (rythmes cosmiques, sensations et émotions, respirations et aliments). Enfin et surtout, l'ensemble du réseau énergétique comporte des croissances et des décroissances d'énergie, sorte de " marées énergétiques " dont l'expression dans le temps est minutieusement réglée et inamovible sous peine de maladie : le corps des méridiens exprime en nous certaines variations et mouvements liés au temps; il est d'abord un " corps du temps ", qui s'exprime bien sûr dans notre espace.
|
Ainsi ces voies de liaison entre l'intérieur et l'extérieur dont les flux d'énergie varient dans le temps ont une structure elle-même discontinue : elles sont jalonnées par des " cavernes " ou creux fictifs, les xue auxquels on a donné le nom impropre de points d'Acupuncture et qui sollicités de différentes manières (mouvements, respirations, massages, plantes, cautérisations - et pas seulement les aiguilles - ), permettent d'agir sur les mouvements du qi, du point de vue caractérisant le xue considéré et le méridien auquel il appartient.
Cette extraordinaire architecture qui organise la vie des tissus et témoigne de leur équilibre va également jouer un rôle majeur dans la sensibilité et la motricité. De ce point de vue les méridiens sont associés à notre conscience de l'espace (tactilité et motricité) et les Arts traditionnels gymniques - dont le TaiJi Quan - agissant très précisément sur les différents méridiens par le geste et la posture, permettent une auto-régulation du corps énergétique. Les méridiens seront les premiers affectés par les agressions climatiques qu'ils repousseront, ou, si le corps manque d'énergie, transmettront aux viscères profonds (torticolis par coup de vent puis rhume, sinusite...). En sens inverse, les troubles d'origine alimentaire ou émotionnelle seront rejetés des viscères profonds vers leurs méridiens qui en exprimeront l'impact selon leur trajectoire et leurs modalités propres (migraines, sciatiques...).
|
De la même façon que la respiration, l'alimentation et la vie de relation (sensorialité, mouvement) nourrissent notre énergie circulante et contribuent à remplir nos méridiens, de même toute activité excessive, trouble alimentaire, stress météorologique, émotion négative aura - selon sa qualité spécifique - des lieux précis d'alarme, de résonance, de traitement sur certains points des méridiens. Tout se passe comme si nous avions, en particulier entre les coudes et les mains ou entre les genoux et les pieds, différentes " longueurs d'onde " régies par les points qui répondent aux différentes familles d'agression. En règle générale, toute aggravation d'une maladie est associée à une pénétration de la perturbation vers la profondeur, toute amélioration à son expulsion vers les membres et la peau ; les différents points spécifiques cités représentent donc tour à tour des lieux de défense et des lieux d'expulsion.