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La Médecine Traditionnelle Chinoise et Médecine Moderne

par Fritjof Capra / Sagesses des Sages /

par Claudine Brelet / Médecines du monde / Laffont








La médecine chinoise est énergétique :


La médecine chinoise repose sur une conception physiologique n'offrant guère de comparaison possible avec la physiologie de la médecine classique occidentale: elle est énergétique. Schématiquement, la science chinoise prend plutôt en considération l'énergie de liaison des atomes constituant la matière, alors que la médecine occidentale moderne se concentre sur les atomes se combinant pour former les éléments chimiques de la matière.


Selon cette conception énergétique, le corps est parcouru, d'une part, par des méridiens, vecteurs de l'énergie (le T'Chi) et du sang et, d'autre part, par les vaisseaux sanguins. Le sang lui-même est compris à la fois comme de l'énergie et de la matière. Plus dense et plus lourd que l'énergie, il est Yin par rapport à cette dernière, mais il est moins dense, moins lourd et moins labile que la matière constituant, par exemple, la chair et les os. Le sang est donc Yang par rapport à la matière constituant le corps physique (os, chair...).


Ainsi, lorsque dans une région du corps, la tête par exemple, l'énergie devient plus Yang que la normale, il y a tendance à la dématérialisation. L'usage est de dire, en français, que l'énergie est alors en plénitude. Du point de vue de la physiologie énergétique chinoise, cela signifie que le sang tend à occuper un volume de plus en plus grand. Les symptômes cliniques accompagnant cet état vont de l'épistaxis à la congestion cérébrale. Leur gravité dépend de l'intensité et de la situation qui a causé la perturbation énergétique à l'origine de ce dysfonctionnement et des capacités de défense de l'organisme. Lorsque l'énergie est trop Yin dans une région du corps, une tendance trop importante vers la matérialisation risque de s'installer. L'usage, en français, est de dire alors que l'énergie est en vide, c'est-à-dire déficiente. En conséquence, cet état peut se manifester dans les vaisseaux sanguins de cette région par une tendance à la thrombose, ou formation de caillots sanguins. De fait, suivant cette conception, énergie et matière ne sont que les deux aspects complémentaires d'un même processus : lorsque l'énergie se condense, elle s'alourdit pour former la matière et lorsque la matière se décondense, elle s'allège et tend vers une énergie de plus en plus pure.


Les Cinq agents ou Eléments, ou wou hing, symbolisés par les éléments Bois, Feu, Terre, Métal et Eau, doivent être assimilés à cinq hiérarchies d'éléments de la matière terrestre en constante transformation énergétique. Il faut souligner ici que la traduction de l'expression chinoise wou hing par les "cinq éléments", bien qu'employée assez couramment, peut induire en erreur. Il serait plus exact de la traduire par les "cinq agents", ou encore par les "cinq en mutations", voire simplement par les "cinq en action". L'Eau, symbole de l'activité minimale, de la passivité, correspond à l'hiver, époque du grand repos de la terre et des hommes qui la cultivent (la Chine est restée une nation d'agriculteurs jusqu'à la fin du XXe siècle). La Terre représente l'énergie neutre du centre, le pivot autour duquel gravitent les mouvements cycliques des astres que les humains peuvent observer à leur échelle. Le Feu, symbole de l'activité maximale, de la culmination, correspond à l'été. Le Bois correspond à l'est où se lève le soleil et donc à la naissance et au printemps, lorsque la croissance des végétaux est la plus rapide. Le Métal, symbole de la décroissance, correspond à l'automne, à la sécheresse, au déclin et à l'ouest où le soleil disparaît.


 L'Empereur Jaune HUANG DI  le médecin QI BO



L'influence du Confucianime et du Taoisme :


Le système médical chinois au regard des enseignement des classiques taoistes est holistique.Le holisme consiste d'abord à considérer que tous les aspects de l'organisme humain sont interconnectés et interdépendants. Dans un sens plus large, le holisme consiste à admettre, en plus, que l'organisme entretient des relations réciproques et permanentes avec son environnement naturel et social.


Mais la pratique est tempérée par la puissance de l'influence du confucianisme qui reste dans tous les aspects de la vie en Chine. Le confucianisme se préoccupait surtout de préserver l'ordre social. Dans l'optique confucianiste, la maladie pouvait provenir d'une mauvaise adaptation aux canons et aux coutumes de la société; et, pour guérir, la seule solution consistait à modifier son comportement et à s'adapter à l'ordre social établi. Cette attitude est encore profondément enracinée dans la culture extrême-orientale.


Le point de vue taoiste considère la maladie comme un déséquilibre qui se produit lorsque le " ch'i " ne circule pas comme il convient. Il s'agit là d'un concept important de la philosophie chinoise de la nature. Le sens littéral de ce mot est " vapeur " et il était utilisé dans la Chine ancienne pour décrire le souffle vital, ou énergie, qui anime le cosmos. Ce sont le flux et le mouvement du ch'i qui maintiennent la personne en vie et la circulation du ch'i suit des voies précises, les méridiens, le long desquels se trouvent les points de l'acupuncture. Du point de vue de la science occidentale, la preuve est largement faite que les points de l'acupuncture possèdent une résistance électrique et une sensibilité à la chaleur très nettes, à la différence des autres zones qui se trouvent à la surface du corps, mais l'existence des méridiens n'a donné lieu à aucune démonstration scientifique.


Dans la conception chinoise de l'état normal, l'une des notions clés est celle d'équilibre. Les classiques prétendent que l'état pathologique se manifeste lorsque le corps perd son équilibre et que le ch'i ne circule plus de façon naturelle. Les classiques taoistes ne voyaient pas la maladie comme un facteur extérieur qui envahit l'organisme, comme nous avons tendance à le faire en occident. Certes ils reconnaissent cet aspect de la causalité, mais pour eux la maladie est imputable à un ensemble de causes qui conduisent à une rupture de l'harmonie et de l'équilibre.


Les classiques taoistes disent aussi que toutes choses, notamment le corps humain, relèvent par nature de l'homéostasie. Autrement dit, le corps lutte tout naturellement pour retrouver l'équilibre. L'équilibrage et le déséquilibre sont perçus comme un processus naturel qui se manifeste en permanence d'un bout à l'autre du cycle de la vie et les textes traditionnels n'établissent pas de clivage entre l'état normal et l'état pathologique. L'un et l'autre sont considérés comme naturels et partie d'un continuum, comme des aspects du même processus de flux et de reflux, dans lequel l'organisme de l'individu évolue en fonction d'un environnement lui-même évolutif. Notre interaction et notre communication avec l'environnement sont faites de schémas rythmiques complexes et qui s'entrecroisent. La maladie est la marque d'un manque de synchronisme et d'intégration.


 Organe récepteur Organe ambassadeur



Le rôle du médecin ou de l'acupuncteur chinois :


D'après les croyances chinoises, il est de la responsabilité de chacun de s'efforcer de rester en bonne santé, en prenant soin de son corps, en respectant les règles de la société et en menant une vie conforme aux lois de l'Univers. La maladie est perçue comme révélatrice de négligence de la part de l'individu.


L'organisme humain perçu comme une partie de la nature, constamment soumis à l'influence de forces naturelles. Les classiques portent un intérêt particulier aux changements saisonniers et décrivent de manière très détaillée leur influence sur le corps. Les médecins comme les non-initiés sont extrêmement attentifs aux changements climatiques; ils se servent de cette sensibilité pour ordonner ou prendre certaines médications préventives. Les Chinois mettent fortement l'accent sur la prévention de la maladie. Une médecine qui considère l'équilibre et l'harmonie avec l'environnement comme la base de la santé ne peut que donner la priorité à la prévention.


Un acupuncteur observant scrupuleusement les lois du Tao ne limite pas son art à la guérison des maux physiques seulement. La médecine taoïste s'intéresse à l'" Homme total". Le médecin taoïste a donc pour ambition de comprendre, pour le corriger, un manque de sagesse, d'équilibre émotionnel ou d'éthique chez son patient avant que ces disharmonies d'ordre Yang ne provoquent la maladie, des symptômes physiques d'ordre Yin (dans la matière).


Le rôle du médecin est tout à fait différent de celui du médecin occidental. Dans la médecine occidentale, le médecin le plus réputé est le spécialiste qui connaît à fond une partie bien précise de l'organisme. Dans la médecine chinoise, le médecin idéal est un sage qui connaît l'inter-réactivité de tous les schémas de l'Univers, qui traite chaque patient de manière personnalisée et note de façon aussi complète que possible l'état général de l'esprit et du corps de l'individu, ainsi que les rapports que cet état entretient avec l'environnement naturel et social. Quant au traitement, c'est seulement une faible partie de celui-ci qui sera engagée par le médecin et qui se passera en sa présence. Les techniques thérapeutiques sont considérées tant par le médecin que par le patient comme une sorte de catalyseur du processus naturel de guérison.


La médecine occidentale moderne fait peu de cas de l'auto-guérison car elle est allopathique : la guérison fait appel essentiellement aux médicaments et autres influences externes. Elle ne tient pratiquement pas compte du potentiel de guérison qui existe chez le patient. Cette philosophie allopathique, est tellement répandue que l'on ne revient jamais assez dessus…


Enquêtant auprès de médecins occidentaux sur ce qui est étudié dans les écoles de médecine et sur ce qui ne l'est pas, on note que jamais on ne parle de la question de savoir ce qu'est l'état de santé. Elle est considérée comme une question philosophique. Lorsqu'on fait des études de médecine, on ne traite jamais de concepts généraux. Une question telle que "Qu'est-ce que la maladie ?" n'est jamais examinée, pas plus que celle de savoir ce qu'est une bonne alimentation ou une vie sexuelle valable. De même, la médecine ne parle pas de la relaxation, parce que trop subjective; on peut s'occuper de relaxation musculaire en étudiant un électromyogramme, mais c'est à peu près tout. Une autre conséquence du clivage cartésien entre l'esprit et la matière conduit ici la science médicale à centrer son intérêt sur les seuls aspects physiques de la santé et à laisser de coté tout ce qui appartient au domaine mental ou spirituel. La médecine moderne est censée être une science objective. Elle s'abstient de jugements moraux, elle évite les questions existentielles et philosophiques. Mais, en n'en traitant pas, elle sous-entend que ces questions n'ont pas d'importance.



 Le Classique de la médecine interne Nei Jing, où les enseignements de QI BO à HUANG DI




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