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L'apprentissage traditionnel
La maîtrise du naturel
Par Antoine Marcel


Le jardin du lettré. Editions Alternatives


En Chine, la position de l'homme dans le monde est perçue d'une façon que les Occidentaux tendent à qualifier d'archaïque. L'homme, en Chine, se concevrait plutôt comme faisant partie de la nature. Identifié au monde, il n'aurait pas poussé cette position distanciée de sujet qui a permis à l'homme occidental d'objectiver le monde, de le penser et le dominer par science et technique. Un puissant concept d'humanité a cependant été développé en Chine, mais cette humanité, au lieu de se développer en opposition au monde, doit prendre modèle sur lui.


En Chine, découvrir le monde, étudier la nature, c'est se découvrir soi-même. Tel est l'objectif de la culture lettrée. Fréquenter les bambous, les arbres, les montagnes et les eaux, c'est découvrir leur secret et par-là même s'ouvrir à soi-même, rejoindre le naturel. La peinture, la poésie, l'art du jardin - et la pratique du tai chi chuan - n'ont pas d'autre but. Le fin mot de la culture est la maîtrise du spontané et la perfection du naturel. Pour l'atteindre, l'homme cultivé, l'artiste, doit suivre un long apprentissage qui est celui de la nature. Tout d'abord il doit en observer les formes, de façon à en pénétrer peu à peu les essences et les souffles internes. Au lieu d'objectiver le vu, il doit au contraire abandonner la relation de sujet à objet pour une fusion, une identité, ou pour le moins un éclairement mystique mutuel. C'est alors qu'il entrera en résonance d'âme avec les éléments naturels. Il s'agit là d'un apprentissage, d'une initiation à partir de laquelle il pourra élever son art au-dessus d'une imitation finalement stérile des modèles anciens.


Hu Ling Tung


En Chine, l'apprentissage traditionnel, plutôt qu'un enseignement verbal, se faisait par l'imitation du maître. Dans l'imitation, l'élève apprend à faire en faisant, par la copie. Lorsque l'apprentissage prend la forme d'une voie, il comporte une certaine rigueur qui mène à la maîtrise du geste et de l'émotion. C'est par la maîtrise du geste et de l'émotion qu'est dépassé l'artificieux et atteinte l'humanité, la spontanéité, et finalement la simplicité, le jaillissement du naturel.


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