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Soins au quotidien
Par Isabelle Laading


Extraits
Les cinq saisons de l'énergie / Désiris





En Chine, plus de 2000 ans avant notre ère, l'observation minutieuse de toutes les manifestations de la vie sur Terre et dans le ciel permit à l'homme de poser les fondements de la philosophie chinoise. Le fait que tout ce qui existe se meut perpétuellement, se transforme, qu'aucun phénomène n'est stable, fut sa première constatation. Puis, en observant au fil des jours la nature des relations qu'entretiennent les divers phénomènes, l'être humain s'est rendu compte du caractère relatif de l'activité phénoménale. Ainsi, le jour et la nuit se présentent en alternance, la lumière ne se définit qu'en regard de l'ombre, le froid du chaud, le silence du bruit, etc. Il existe donc un rapport d'oppositions complémentaires entre tous les phénomènes naturels, aucun d'eux ne pouvant être analysé séparément, mais bien toujours en référence à une autre manifestation.


Parallèlement à ce constat, les Chinois remarquèrent que des rythmes et des cycles organisent les mouvements, les changements : cycles circadiens, saisonniers, annuels, cycles de la vie d'un homme. Ces évolutions périodiques se déterminent selon des phases spécifiques : phase de naissance, croissance, maturité, déclin et mort, cette dernière ne marquant pas la fin d'un cycle mais le début d'un nouveau ; en effet, pour tout phénomène, la mort n'est que l'étape précédant la renaissance, à l'instar de la graine qui, tombant de l'arbre et s'enfouissant dans la terre, va donner naissance à un nouvel arbre.


Ces premières observations ont donné lieu à une classification des phénomènes selon les termes Yin et Yang, représentation bipolaire de toutes les manifestations de l'énergie, du principe de vie.






La SANTE :


Suivre le fil des principes de santé plusieurs fois millénaires de l'Empire du Milieu relève ici d'une fascination devant une science à laquelle revient sans conteste la palme de la stabilité. Dépouillée de ses aspects archaïques et quand notre esprit occidental a fait son deuil des distinctions qu'il voudrait établir entre l'allégorie et l'objectivité, nous découvrons en elle un savoir vivant et actuel, un enseignement sur les correspondances élémentaires universelles rappelant finalement que la santé s'entretient par la pratique d'un art de vie qui a valeur de prévention. En percevant l'être humain dans l'environnement d'où son organisme émerge et auquel il participe intimement, le regard chinois est resté fidèle aux origines et à la réalité du corps conscient. La prévention constitue le premier devoir médical.


Le maintien de la santé n'est plus instinct de survie, sagesse animale. La civilisation technologique nous en éloigne à grands pas. D'une génération à l'autre, le puisage de l'eau devient un tour de robinet, le voyage un embarquement d'aéroport, l'aventure un jeu d'images de synthèse et le travail, une vaste exploitation des ressources. Oublions-nous que le monde est réglé sur une autre horloge que celle du progrès de nos abstractions ? Qu'il a fallu des milliards d'années pour composer notre environnement et que nous sommes exactement les mêmes créatures que les magdaléniens du paléolithique ? La médecine chinoise semble vouloir retenir cette sagesse. Certes, elle intègre volontiers les meilleurs apports de la science médicale chimique et électronique, mais elle reste fondamentalement fidèle aux principes qui entretenaient la santé des ancêtres.


Comment définir la santé ? En médecine traditionnelle chinoise, la maladie est manifestation d'un déséquilibre énergétique. La santé pourrait se définir en tant qu'équilibre parfait entre nos énergies yin et nos énergies yang. Cette harmonie procède cependant par ajustements incessants puisque tout est en mouvance, en perpétuelles transformations. La santé n'est jamais acquise. Nous retrouvons cette idée d'adaptation en comparant notre corps à un voilier porté par le flot de la vie. Notre conscience en est le barreur qui, quoi qu'il arrive, doit garder le cap. Durant le voyage, nous devons tenir compte des conditions météorologiques, des vents variables, et régler constamment les voiles en conséquence.


Ainsi devons-nous choisir et adapter notre alimentation et nos activités, nos habitudes étant bénéfiques à certains moments et préjudiciables à d'autres. La coque, les mâts et le gréement sont fragiles, tout est rapport de forces entre les éléments naturels et le bateau ; il est prudent de rester à quai lorsque la mer est trop forte mais il faut profiter d'un temps clément pour avancer, le discernement est donc de rigueur. En tant que barreur, nous devons aussi entretenir de bonnes relations avec nos équipiers (nos émotions et modes de fonctionnement psychiques), sans lesquels le voyage ne peut se faire. Habitons notre corps au fil des jours comme nous barrons un voilier, avec tout autant de vigilance, de présence et de facultés d'adaptation.






La MALADIE, rupture d'équilibre énergétique / les EMOTIONS :


II existe une forme de résonance entre le milieu naturel et l'homme, entre le microcosme qu'est l'être humain et le macrocosme. De ce fait, notre équilibre procède d'une reconnaissance de la synchronicité active entre les mouvements énergétiques présents dans le corps et les rythmes et cycles naturels, circadiens, saisonniers, annuels.


Pour les Chinois, la maladie est une rupture d'équilibre énergétique, une dysharmonie créée par diverses causes, qualifiées d'externes ou d'internes. Les causes externes sont les climats : le vent, la chaleur, l'humidité, la sécheresse ou le froid qui, se manifestant de façon extrême ou attaquant un organisme affaibli, vont devenir pervers. Ces facteurs climatiques peuvent se combiner entre eux pour devenir vent-chaleur, humidité-chaleur, froid-humidité, etc. Nous percevons ces influences en tant qu'atmosphère naturelle d'une saison, climat typique d'une région ou d'un pays. Ou encore par le biais d'artifices, comme la climatisation (froid), le chauffage central trop fort (chaleur-sécheresse).


Ces climats sont également actifs à l'intérieur du corps, se transformant en agents pathogènes lorsqu'ils sont présents en excès. Quelques exemples courants de l'effet pervers des " climats internes " : constipation, due à la sécheresse dans l'intestin ; douleur vive et mouvante dans la couche musculaire, induite par le vent ; ballonnements, lourdeur d'estomac, pouvant résultés de la présence du froid dans la sphère digestive.


En dehors de l'expression perverse de ces climats internes, la cause interne majeure de la maladie est la mauvaise gestion des sept sentiments. Le corps et l'esprit sont inséparables ; aussi, toute expérience prolongée d'une émotion affectera l'organe auquel elle correspond. A l'inverse, la déficience chronique d'un organe induira un comportement émotif particulier, teinté de peur ou de paranoïa s'il s'agit des reins, de tristesse et de vague à l'âme s'il s'agit des poumons, etc. Le fait que les émotions soient reconnues en tant qu'éventuels agents pathogènes est une donnée majeure de la médecine chinoise, évoquée dans certains milieux médicaux en Occident, mais d'une manière moins radicale. Dans ce contexte, notre responsabilité face à la maladie devient flagrante. Chaque instant de la vie, en nous offrant le choix d'être paisible ou irrité, confiant ou angoissé, nous encourage finalement à entretenir des émotions positives, qui renforcent notre corps au même titre que l'alimentation.






Le FOIE, récepteur privilégié de tous les types d'émotions :


Si du foie émane un certain type de comportement et d'émotion, cet organe est particulier en ce qu'il se fait récepteur privilégié de tous les types d'émotions. C'est lui, comme un bouclier plus ou moins perméable, qui va subir en premier toutes les agressions des émotions perturbatrices. Son lien particulier avec le cœur et le " Shen " du cœur permet d'envisager toutes les perturbations sévères que peut engendrer une vie émotionnelle ou affective dense ou troublée. Une vie sociale ou professionnelle trépidante et déréglée affectera d'abord le foie, puis différents organes. Sur le plan physique, le stress qu'engendrent les émotions ou des rythmes de vie déséquilibrés, pourra se traduire par une montée de l'énergie du foie vers le haut du corps ; cette énergie à la longue se transforme en Feu, en chaleur qui vient perturber les fonctions mentales et le sommeil, en provoquant agitation, confusion, nervosité et sautes d'humeur, pertes de mémoire, réveil fréquent ou insomnie. Le corps subira directement cette attaque des émotions, en le manifestant par différents symptômes : problèmes de peau, mauvaise digestion, oppression, palpitations, douleurs diverses et fortes tensions musculaires.


Les contractures et douleurs musculaires traduisent une réaction face au stress, mais elles signent aussi un contrôle inconscient du corps face à une situation donnée. Elles sont très fréquentes puisque le foie, qui subit en premier l'agression de l'émotion, régit les muscles et les tendons. Si l'individu ne peut gérer une situation, la lutte interne qui s'installe envers ce qui est considéré comme une agression se matérialise sous forme de tensions. La localisation de ces tensions n'est pas anodine, qu'il s'agisse de tensions dans la nuque, les bras, le dos, les jambes ou le ventre. Chaque partie du corps est presque une projection tangible de tout un symbolisme nous permettant de traduire un malaise affectif ou relationnel, si ce n'est en mots, tout au moins en maux. Ces tensions musculaires ne sont pas toujours remarquées ou n'induisent pas forcément de douleurs notables, mais elles engendrent à la longue une stagnation de l'énergie qui freine l'épanouissement de l'être. " Toute crispation même partielle, affecte l'homme tout entier, car elle s'oppose au mouvement de transformation. " (K.G. Durckeim). Certaines personnes à l'apparence très calme, voire lymphatique, présentent au toucher des tensions extrêmes, manifestations d'un contrôle permanent de leurs émotions.


Un travail sur le corps, par des exercices (Chi Gong & TaiChi Chuan), de la relaxation ou du Shiatsu parvient, a défaire ce carcan de contractures et libère de ce fait l'énergie des organes troublés, en rendant ainsi au mental espace et clarté. Le travail sur le corps permet ainsi de renforcer les différentes énergies physiques et mentales, l'individu pouvant alors faire face a la situation avec lucidité et apaisement réel.






A suivre, un poème qui non sans humour, décrit les différentes étapes du processus dans lequel nous nous trouvons impliqués lorsque nous faisons l'expérience d'une émotion. Il évoque également la manière dont nous pouvons cheminer pour ne plus en être le jouet. (Autobiographie en cinq actes / Portia Nelson).


" 1. Je descends la rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je tombe dedans.
Je suis perdu... je suis désespéré.
Ce n'est pas ma faute.
Il me faut longtemps pour en sortir.


2. Je descends la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je fais semblant de ne pas le voir.
Je tombe dedans à nouveau.
J'ai du mal à croire que je suis au même endroit,
Mais ce n'est pas ma faute.
Il me faut encore longtemps pour en sortir.


3. Je descends la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je le vois bien.
J'y retombe quand même... c'est devenu une habitude.
J'ai les yeux ouverts
Je sais où je suis
C'est bien ma faute.
Je ressors immédiatement.


4. Je descends la même rue.
Il y a un trou profond dans le trottoir :
Je le contourne.


5. Je descends une autre rue... "






La PREVENTION


La vision holistique de l'être humain conduit à considérer tous les facteurs pouvant influencer le corps en vue de rééquilibrer les énergies perturbées. L'importance que confère la médecine chinoise à la prévention traduit la compréhension profonde que les Chinois possèdent quant aux Lois qui régissent l'univers et l'être humain. Notre équilibre dépend d'un ajustement constant entre notre corps et l'environnement, notre corps et nos émotions.


La santé n'est jamais définitivement acquise puisque tout est en perpétuelle transformation. Selon la saison, le milieu ambiant, l'activité, nous devons adopter des rythmes divers, une alimentation et des attitudes différentes. Le maintien d'une bonne santé requiert la vigilance de l'équilibriste, évoluant sur une planche à bascule : le corps droit, les bras ouverts, quelques pas à droite, quelques pas à gauche, sans arrêt ; seule la mobilité corporelle et mentale constante de l'artiste lui assure stabilité et équilibre.


La prévention, très négligée en médecine occidentale, se cantonne à des impératifs d'examens, visites médicales, prises de sang et radios. L'homme, ainsi totalement déresponsabilisé face à la gestion de son propre corps, finit par perdre tout bon sens, attendant que le malaise s'installe pour demander de l'aide. Si l'efficacité des spécialistes n'est pas ici remise en cause, il semble tout de même urgent que chacun reconnaisse comme un devoir le fait de se prendre en charge. Le caractère préventif de la médecine chinoise s'illustre par une coutume ancienne : les patients payaient leur médecin lorsqu'ils étaient en bonne santé. Les soins requis pour une maladie n'étaient pas rémunérés, puisque cette maladie était due à l'incompétence du médecin, quant à la prévention.






La FATIGUE


La fatigue est très liée aux fonctions de l'estomac et de la rate. Dans cette mesure, nous pouvons nous demander si la fatigue ne survient pas surtout dans les moments où la vie perd de sa saveur. Chaque changement de saison, passage d'une expression énergétique à une autre, peut s'accompagner d'une grande lassitude qui nous empêche de " goûter la vie ". Mille saveurs nous environnent, nous imprègnent et nous nourrissent par l'intermédiaire de nos sens. Nous pouvons nous délecter des couleurs du ciel, du parfum de la terre après la pluie. Goûter par nos oreilles le frissonnement du vent dans le feuillage, l'explosion des vagues dans les rochers, le craquement de la neige sous nos pas. Notre peau, elle aussi réceptive, réagit à la morsure du froid comme à la douceur de la soie. Le verbe nous permet d'exprimer attirance, plaisir ou rejet : " II a le goût de l'aventure ", " Je n'ai plus de goût à rien ", " Son attitude me dégoûte ". Goûter la vie est le fait de tous nos sens, mais aussi de l'intellect, de la mémoire et de la sensibilité ; sollicitation de notre être dans sa globalité.


Notre enthousiasme et notre envie de vivre se nourrissent sans arrêt de l'atmosphère ambiante. En revanche, lorsque la fatigue nous gagne et que la vie " nous pèse ", nous devenons moins perméables aux signes extérieurs et notre champ de vision se rétrécit. Nous focalisons péniblement notre attention sur l'activité en cours, en nous coupant du reste. Notre pouvoir de réceptivité s'amenuise et nous projetons alors sur notre environnement tout le gris et le terne de notre univers intérieur. Dans ce manque d'espace, la vie perd toute saveur. Il est vital dans ces moments-là, de cultiver l'attitude inverse : garder les yeux ouverts sur tout ce qui nous entoure, nous ouvrir au lieu de rentrer dans notre coquille. Mais la descente vers la caverne-fatigue se fait insidieusement, par paliers. Les plis de nos habitudes nous chaperonnent tout d'abord, avant de nous étouffer.


Si vous vivez sous la coupe de Maître-fatigue, faites un effort pour transformer votre regard. Essayez de considérer chaque instant comme une expérience nouvelle, même en effectuant des gestes mille fois répétés. Laissez se déployer les tentacules de vos sens, certaines saveurs sont là, autour de vous, qui n'attendent que votre sollicitation. Des petits détails, si vous voulez bien les considérer, facilitent le passage d'un état de stagnation propre à la fatigue, à un regain de vie. Une lettre, par exemple, écrite sur le bord d'un bureau encombré, mal éclairé, avec alentour des gens qui circulent et conversent, aura la saveur de la nervosité, de l'effort de concentration et de l'ennui. Imaginez la même lettre écrite dans la solitude et le silence. Quelques fleurs sur la table, l'ombre et la lumière jouent dans les plis des rideaux. Bois doux, feuille blanche, encre bleue. Couleurs, odeurs, silence, imprègnent de leurs saveurs l'élan de votre inspiration et transforment de manière radicale le contenu de cette lettre tout à l'heure insipide.






Différents organes, en médecine chinoise, induisent par leur déficience des états de fatigue, de lassitude, pouvant aller jusqu'à la dépression. La rate notamment, grande productrice d'énergie et de sang par l'intermédiaire de la nourriture ; ou bien le foie, les reins, ou encore le cœur dont le " Shen " a pu être fortement perturbé par des chocs émotionnels. Quoi qu'il en soit, même si un traitement médical s'impose parfois, sachez aussi utiliser vos propres facultés pour sortir de ces états de torpeur. Les signes avant-coureurs sont le manque d'entrain et de goût pour accomplir les tâches quotidiennes, suivis de différents symptômes plus lourds qui accompagnent toute perte de vitalité : membres lourds, respiration courte, digestion difficile ou perte de l'appétit, brouillard dans la tête ou rumination incessante, pleurs et plaintes fréquentes, irritabilité, peur, angoisse. Bien sûr, l'alimentation, accompagnée d'exercices respiratoires, sera l'un des supports importants pour sortir de cet état critique. Mais sous le coup d'une grande fatigue, l'évocation même du repas vous anéantit. Pensez alors à d'autres nourritures, ce qui, par le biais d'une stimulation de vos sens, pourra vous redonner le goût de la vie, l'envie de contenter votre estomac.


Les cinq saveurs, odeurs et couleurs et sons s'offrent à vous. Voyez, goûtez, respirez, touchez, entendez. La vue est en relation avec le foie et la vésicule biliaire, le goût (même psychique) avec l'estomac et la rate, l'odorat et le toucher avec les poumons et le gros intestin, l'ouïe avec les reins et la vessie. Entourez-vous de couleurs, de parfums, éclairez bien votre maison. Changez de vêtements tous les jours. Réservez les couleurs sombres, qui sans doute vous attirent, au pantalon ou à la jupe, pour soutenir l'énergie de vos reins. Gardez le corps au chaud, surtout les pieds et les reins. En un mot, transformez l'atmosphère ambiante par de simples choses qui vont nourrir tous vos sens : stimulez votre vue en disposant des fleurs dans votre maison, en laissant ouverts des livres ou des revues qui présentent des paysages hauts en couleurs. Rangez toutes les photos ou les gravures qui portent à la nostalgie. Pour solliciter votre odorat, faites brûler de l'encens ou diffusez des essences tonifiantes à base de menthe ou de citronnelle. Réveillez votre énergie vitale en frictionnant tout votre corps quotidiennement de vos mains, même couché si vous n'avez pas la force de vous lever. Nourrissez vos oreilles en écoutant de la musique de temps en temps plutôt que les informations. N'entretenez aucune culpabilité dans le fait de vous occuper de vous. Votre environnement ainsi transformé, vos sens abreuvés, vous avez stimulé toutes vos fonctions organiques et facultés psychiques, en balayant de cette manière de nombreux symptômes et souvenirs de grisaille.


Une réflexion soutient ce cheminement vers la transformation intérieure. L'idée que toute situation comporte toujours différentes dimensions abordables. Le propre de la pathologie ou du malaise est de nous enfermer, de nous restreindre, de nous conditionner dans une direction. Or, il existe un espace, de l'air frais quelque part et toujours. Si le corps et le psychisme, notre espace intérieur, sont anéantis sous le poids de la fatigue et de la dépression, l'espace extérieur existe encore et nous soutient comme nous l'avons vu de multiples manières. A l'inverse, si vous considérez que c'est l'environnement qui devient invivable les gens, le bruit, les conditions de travail - faites appel à votre espace intérieur. Vous êtes libre, en vous existe une plage infinie de silence et de clarté qui à l'instant vous nourrit, si vous acceptez de vous reconnaître en elle. Entre l'espace intérieur et l'espace extérieur, nos seules projections mentales construisent des frontières. Laissez-les fondre : dans cet espace unifié, il n'y a plus de place pour la dualité. "Il faut devenir aussi simple et muet que le blé qui pousse ou la pluie qui tombe. Il faut se contenter d'être. " (Etty Hillesum).


Si votre fatigue ou votre angoisse devient chronique, transformez votre environnement par de petits détails, comme il est indiqué ci-dessus. S'il s'agit d'une fatigue ou d'une émotion passagère, n'importe quel support, si vous prenez le temps de le voir, vous permettra de refaire surface rapidement. Servez-vous de votre respiration en vous débarrassant de toute lassitude dans l'expiration, de toute pensée déprimante, tel le lézard qui se départit de sa peau fanée. Dans l'inspiration, remplissez l'espace ainsi vaquant à l'intérieur de vous, de cette couleur qui soudain vous parle, de ce paysage dans une revue, d'un parfum, d'une mélodie. Soyez réceptif. A chaque instant, pour qui se donne la joie de Voir et Entendre, des clins d'œil lui sont adressés : coup de téléphone d'un ami auquel vous êtes en train de penser, rencontre imprévue, de nombreux supports d'inspiration traversent continuellement notre vie. C'est un oiseau qui se pose devant la fenêtre, hoche la tête et s'envole. C'est un regard derrière la vitre d'un bus, un accord de piano qui vous parvient de l'appartement voisin. Clins d'œil, amour et humour.






Un ART de VIVRE ?


L'Art de vivre selon la tradition chinoise présente un caractère universel. Il s'agit d'une transcription en termes particuliers des Lois naturelles et donc nullement réservée à certains individus. Ce mode de vie se calque sur des principes d'analogies, qui n'ont rien d'ésotérique, et sur la reconnaissance de mouvements énergétiques, dont chaque être humain peut faire l'expérience. Ces Lois naturelles, rythmes et cycles, en tant que fondements d'une certaine philosophie, ont d'ailleurs été reconnus et présentés par de nombreuses civilisations, puis étouffés en grande partie par le cartésianisme et la prépondérance de la science.


Une vision sensible et multidimensionnelle du monde fut celle de nombreux philosophes et penseurs de l'Antiquité et du Moyen Age comme Platon, Plotin et Paracelse. Les éléments, quatre en l'occurrence (l'Eau, le Feu, la Terre et l'Ether), furent associés analogiquement aux phénomènes naturels, aux signes du zodiaque, aux cycles saisonniers et à des qualités morales. Une des fameuses représentations symboliques du cosmos au XIIe siècle, en France, se trouve sur la miniature intitulée L'Ame du monde, décrite, entre autres, par Honorius Augustodunensis, dans son livre Clavis Physicae. L'Ame du monde présente de nombreux points de similitude avec les correspondances établies par les Chinois. Les quatre éléments agencés sur la miniature sont en relations dynamiques et cycliques. Les climats sont aussi indiqués, ainsi que l'orientation spatio-temporelle et différentes vertus morales. En médecine, Paracelse avait mis au point ce qu'il nommait la " médecine des signatures ", effective au Moyen Age et à la Renaissance. Il répertoria toutes les ressemblances, par leur forme ou leur couleur, entre les parties du corps et les phénomènes naturels, les plantes, les minéraux et les animaux. Ces correspondances, ces " signatures ", offraient ainsi des remèdes spécifiques aux malades. Mais des querelles de clochers entre maîtres à penser, tout autant qu'une résurgence de la suprématie de l'intellect sur le bon sens et l'intuition, ont fini par balayer bon nombre de ces données et seuls quelques dictons et remèdes de " bonne fame " (remèdes de " bonne réputation " et non de " bonne femme ") subsistent de nos jours.






La simplicité et la cohérence de la vision chinoise du monde sont des atouts majeurs pour nous donner envie d'intégrer ces concepts à notre mode de vie. Le yin-yang, les cinq éléments et la loi des cinq transformations sont tellement sobres qu'ils semblent pour beaucoup non crédibles. Comme si seule la complexité garantissait la fiabilité d'un système ! Le cerveau humain permet de tels jeux dans la manipulation des idées, l'élaboration de théories, concepts et points de vue philosophiques... Des milliers de pages ont été écrites à travers les siècles pour analyser, expliquer tous les phénomènes de l'univers, pour proposer des directives morales, philosophiques, économiques, politiques et religieuses. Mais sur cet épais coussin de livres et d'idéologies multiples, comment va le monde ?


Cette simplicité avec laquelle les Chinois de l'Antiquité nous présentent le monde, les rapports de l'homme avec l'univers, déroutent un esprit cartésien qui a sans cesse besoin de disséquer et d'analyser. Certains philosophes occidentaux ont d'ailleurs du mal à employer le terme " philosophie " pour définir la Pensée chinoise, celle-ci n'offrant pas vraiment de support dialectique. " On a le sentiment que les philosophes chinois n'entendent pas comme ceux d'Occident l'idée même de comprendre ou de connaître, qu'ils ne se proposent pas la genèse intellectuelle de l'objet, qu'ils ne cherchent pas à la saisir, mais seulement à l'évoquer dans sa perfection primordiale ; et c'est pourquoi ils suggèrent, c'est pourquoi on ne peut distinguer chez eux le commentaire et ce qui est commenté, l'enveloppant et l'enveloppé, le signifiant et le signifié, c'est pourquoi chez eux le concept est tout autant allusion à l'aphorisme que l'aphorisme allusion au concept. " (Merleau Ponty).


Laissons-nous porter par ces modes de perception différents que sont la sensibilité et l'intuition, facultés présentes en chacun de nous. Celles-ci nous permettent d'élargir notre champ de vision à la compréhension du monde, d'en capter une autre dimension. La cohérence et la logique de la Pensée chinoise seront ensuite appréhendées par l'intellect, mais sous l'écorce des mots nous aurons goûté la sève. Fondée, il est vrai, sur des principes encore fort peu reconnus scientifiquement, la médecine traditionnelle chinoise, rappelons-le, soigne des milliards de gens depuis 4 000 ans ! Si cela n'a pas valeur d'expérience...






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